Jean Reibrach

Par l’amour (Ollendorff)

Mercure d’avril 1896 page 136

Je me permettrai de clore la liste des œuvres passionnées[1] avec : Par l’amour, de Jean Reibrach, un livre sérieux, très composé à froid, et écrit en pensant, travail rare chez les romanciers qui font du journalisme. Pourquoi chicaner davantage sur la forme naturaliste qu’emploie son auteur, alors que de plus « nouveaux » écrivains, Paul Adam, par exemple, ne dédaignent pas encore complètement ce procédé ? D’une situation terre à terre, l’existence d’un groupe d’êtres pauvres, bons ou mauvais, végétant autour d’une âme de prêtre, Jean Reibrach a su tirer des idées élevées, des observations justes, toute une philosophie tendre et rêveuse, quoique point divagante, qui assouplit peu à peu les nerfs du lecteur tendus vers le coup de lumière, le coup de passion et le coup de force du naturalisme que nous savons. Cet abbé Hallo, passant du catholicisme intolérant au grand bouddhisme de l’absolution universelle par l’amour, est une noble figure, et, de plus, c’est un homme. Mme d’Ambly et ses deux filles, tristes créatures résignées, se débattant dans une désespérante médiocrité, sont d’une étonnante intensité de vie, justement parce que l’auteur, avec un soin velouté de consciencieux scrupules, a bien voulu nous dissimuler les ressorts grossiers qui les font agir.

  1. Jean Lorrain : Un Démoniaque ; Jules Bois : La Douleur d’aimer ; Édouard Rod : Dernier Refuge ; Alexandre Boutique : Pour le Prix Monthyon ; Léo Trézenik : La Jupe ; Marie Krysinka : Folle de son corps ; Gustave Rahlenbeck : L’Émerveillée ; Henri Vandeputte : L’Homme jeune.

La Force de l’amour (Ollendorff)

Mercure de septembre 1898 pages 813-814

Femme adultère qui se laisse mourir après avoir refusé sa fille à son amant. Roman un peu long et qui ne prouve pas grand-chose. Si la femme adultère donne sa fille, elle est la sacrifiée bénie, si elle ne la donne pas elle est la révoltée bénie ; de toutes les manières, les romanciers ont raison quand ils parlent de la force de l’amour ; mais est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de varier au seul point de vue du lecteur ? Jean Reibrach écrit correctement et il semble parti pour écrire comme Zola sans s’arrêter jamais, toujours en marche comme la Vérité… Cependant il n’entend pas plus à l’amour que l’Autre n’entend à l’humanité, et ils sont un peu fatigants, tous les deux, à répéter des mots sans suite. Il y a une petite silhouette de femme-enfant, Marsa, qui est cependant jolie dans ce gros livre[1].

  1. 357 pages.

À l’Aube (Ollendorff)

Mercure février 1900, page 457

Un roman sur le féminisme, qui ne prend point parti, et ne conclut pas. Les femmes y sont les femmes ordinaires. La directrice de l’Aube est sujette aux mêmes petites crises de nerfs et d’ambition qui bouleversent les personnes de son sexe. Elle est tout aussi bêtement sentimentale qu’une Mme de Lestral qui n’ose pas se libérer de très vieux préjugés : la fidélité par exemple. Et M. de Lestral, député chargé de la cause, obéit aux mêmes petits instincts mâles selon les hasards des surprises de ses sens. On devine que le féminisme est là comme la mode inquiétante des manches ballons : plus elles auront fait de grands et gros bras au début, plus les épaules, redevenues nature, paraîtront plates. Un joli type de femme que celui de Mme Lestral. Celui qui a le plus de chance de reconquérir les avocats des causes… tapageuses par son éloquent silence.

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