George de Peyrebrune

Vers l’Amour (Lemerre)

Mercure d’août 1896 pages 349-350

Le s à Georges est excessif, Georges de Peyrebrune (1841-1917) se prénommant Mathilde. Elle a fait partie des vingt jurées du prix Femina lors de sa création en 1907. Lire ses Ensevelis (Ollendorff 1887) chez Gallica.

Vers l’Amour, de Georges de Peyrebrune, nous ramène au roman contemporain. Une mère donne à sa fille, pour la deuxième fois, e sa chair et son cœur, en lui donnant l’homme qu’elle aime, elle, femme encore jeune, demeurée belle et n’ayant jamais goûté aux joies défendues. Le drame n’est peut-être pas neuf, mais la façon dont l’auteur nous le transpose, sur le clavier extraordinairement sensible de son écriture, en fait une œuvre très vivante, touchant à notre vie comme le remords même de ne pas nous diriger plus courageusement vers la beauté de l’acte. Il est rare qu’une femme écrivain sacrifie la jalousie dans le jeu des ressorts passionnels qui lui servent à nouer ou à dénouer ses intrigues. Mme de Peyrebrune est allée plus haut que l’amour-propre et l’orgueil de présenter sa semblable tourmentée d’une angoisse vulgaire, et, la surmontant par orgueil, elle a mené son héroïne vers l’amour en l’éloignant de la passion, en lui faisant abdiquer toute espèce de personnalité, en la rendant l’esclave d’une sorte de fatalité douloureuse qui la laisse désarmée et presque ridicule devant une jeune fille selon les goûts du jour, pleine de cette logique de mécanicien que peuvent fournir les sains exercices de la bicyclette. On giflerait avec plaisir cette charmante enfant de sport si on ne s’apercevait pas qu’elle est honnête à la fin, c’est-à-dire qu’elle a un peu du sang de sa mère dans les veines et que, par conséquent, tout n’est pas perdu, au moins pour le mari. Le personnage de la martyre est tout à fait-adorable en ce sens qu’il est naïvement, apostoliquement dévoué. Ce n’est pas la femme austère qui tente, au moment voulu, le discours moral ou l’exemple énergique, elle est mère comme la neige est blanche : ce n’est ni sa faute ni sa mission, mais c’est tout son amour et c’est aussi tout l’art de l’œuvre. Quand sa fille lui dit des choses dures (toujours émanées d’une saine raison positive), elle croit simplement que c’est juste et c’est elle qui obéit, et c’est par cette voix de renoncement presque maladif qu’elle arrive jusqu’à la divinité du sacrifice. Elle ne parle un peu plus vite que lorsqu’elle découvre son cœur, met à nu le trésor qu’elle porte intact depuis si longtemps en elle comme l’hostie du grand salut. De sa vivacité de ton, elle s’essouffle et meurt sans qu’on se doute de rien, elle s’en va vers l’amour d’un autre monde céleste sur les pointes de ses pieds meurtris pour ne pas réveiller ses deux enfants de leur extase terrestre. Je n’ai pas le courage de reprocher à Mme de Peyrebrume d’avoir fait blanchir les cheveux de son héroïne en une nuit. Il faudrait railler après avoir pleuré, et j’aurais l’air de me venger de m’être laissé surprendre par la merveilleuse tendresse de son talent ! — Nous voici à présent devant le stock des adultères de fin de saison. Je vais liquider avec joie.

Ces “adultères de fin de saison”, tous traités en moins de dix lignes, sont :
Fernand Vandérem : La Patronne (Ollendorff)
Paul Margueritte : L’Essor (Léon Chailley)
Gaston Auvard : Une Tête de Femme (Perrin)
Forsan (D. Melegari) : Kyrie Eleison (Ollendorff)
Jean Sigaux : Au Printemps de la vie (Perrin)
Gabriel Ferry : Les Derniers jours du Roi Soleil (Calmann-Lévy)
Émile Pouvillon : Mademoiselle Clémence (Ollendorff)
Victor Joze : Les Sœurs Vachette (Antony et cie)

Les Fiancées (Lemerre)

Mercure de mars 1897 page 598

Une théorie de jeunes vierges, les unes souffrantes d’amour, les autres ferventes de dévouements. Tout en sachant rendre intéressant les moindres détails de toilette, comme les moindres battements du cœur, l’auteur nous donne la sensation fraîche de la vertu de ses héroïnes et nous ne nous lassons pas du calme de cette onde lustrale. Elles aiment comme elles prient et elles s’étonnent de la passion sans refuser, pourtant, d’en comprendre les multiples devoirs. Christia est une jolie, bien jolie page romantique et sensuellement catholique à la façon des légendes.