Pierre Veber
Chez les Snobs (Ollendorff)
Mercure de juillet 1896 pages 161-162
Aussi caustique mais plus écrivain que Donnay, diplomate comme Hermant mais plus bref, par exemple, un peu plus méchant qu’Hervieu, parce que moins généralisant ses types, le clown Pierre Veber jongle avec les billes que vous savez, sans que cela dérange en rien la correction presque snobique de son habit noir. Petites femmes botticelliesques, petit messieurs de la cour des mages, adulateurs aveugles des rois de demain ou chantres perroquets de tous les soleils levants, bon gros Maissène payant très cher les mannequins bourrés d’occultisme dont les bas-bleus ont des trous par où on voit la lune selon les rites de Jules Bois, chevaliers d’industrie littéraires, courtiers de la gloire faisant la place pour l’huile des peintres méconnus et les carrières de fromages d’Italie des sculpteurs dans la dèche, tout ce petit monde grouillant, des gens qui gobent et qui font gober, sort des manches du jeune sorcier impassible avec une prestesse vertigineuse. Il y a une fille spirituelle qui s’éprend d’un garçon bête et finit par épouser un garçon spirituel : ceci pour la morale. Malheureusement, Pierre Veber, pour aller plus vite et faire plus fort, accroche, dans un passe-passe inutile, le monocle de l’auteur de Tel qu’en songe[1], sans qu’on se rende compte du pourquoi. Il est entendu que les clowns ont toutes les permissions, mais quand ils ont pris le monocle du spectateur, ils doivent le rendre… avec un compliment, sinon le public se fâche !…
Tel qu’en songe : Henri de Régnier.
L’Aventure (Simonis Empis)
Mercure de mars 1898, page 892
Se promener trop souvent dans les salons de lecture des grands magasins conduit à l’adultère. C’est là une vérité incontestable. Pierre Veber, avec un esprit très judicieux et une ironie mordante, nous en fournit les preuves, et la comtesse de Chantoray interrogée dans le cabinet du juge Bostardy sur ses… relations avec Ramon Garcia de la Vega (ou le beau brun de Clignancourt) sont des pages… de haute morale.
Couverture d’une édition illustrée par René Lelong chez Fayard, non datée, dédiée à Gyp
Les Couches profondes (Simonis Empis)
Mercure de juillet 1899, pages 183-184
Roman parlé, joué, dessiné, dans un monde politique extrêmement connu. Il n’y a rien, en réalité, qui puisse prêter au bouffon et aux apothéoses de cirque (où Chocolat, ministre, reçoit les soufflets de l’opposition Foo-tit[1]), comme le monde parlementaire. Pierre Veber qui le sait bien exécute là-dedans une série de cabrioles très divertissantes. Cependant petite pointe de sentimentalité et aussi de philosophie, partant de haute morale. C’est du cirque pour grand salon, les écuyers ne sentent pas trop l’écurie et les écuyères portent, comme il sied, les plus grands noms de France. Et pourtant, on en dit de raides, croyez-moi ! C’est un esprit à tout casser… mais on se marie à la fin et ça raccommode bien des choses.
Allusion au duo de clowns Foottit (tt) et Chocolat qui eurent du succès dans les années 1890-1910.
Amour ! Amour… (Simonis Empis)
Mercure de de novembre 1900, page 492
L’histoire malicieusement contée d’un jeune homme du monde, une histoire humaine entre toutes. Le personnage a des maîtresses, les trahit, cherche à épouser des filles bien en chair et en argent, est trahi par l’une de ses nombreuses bonnes fortunes, en est réduit à se brûler la cervelle puis, réfléchit, en écrivant son testament. La vie sans complications lui paraît désormais, quoique un peu tard, la seule possible. L’épisode de Lise est très bien. C’est la plus jolie figure de femme du volume, Ce roman est, sous une forme très spirituelle, beaucoup moins léger qu’on ne pense.