Paul et Victor Margueritte
La Pariétaire (Plon)
Mercure de décembre 1896 page 563
Pour les frères Margueritte, voir aussi les pages
Paul Margueritte et
Victor Margueritte (rien encore).
Gerbes de fleurs, gerbes des Margueritte, la Pariétaire, en collaboration fraternelle. Des histoires pimentées et des nouvelles douces comme des compresses de parfum à mettre sur des blessures. Victor Margueritte est un délicat poète, il envenime sa prose élégante d’une odeur de tubéreuse, et le prosateur Paul Margueritte glisse une souffrante et très aiguë poésie en son style un peu précieux quelquefois, cependant toujours humain. On aime mieux Paul par Victor, et on aimera Victor de ce qu’il aidera Paul. De toute façon, gloire à eux, ils iront vite. Ce que je préfère, des fleurs doubles de ce volume, c’est : La Maison du silence.
Poum (Plon)
Le Carnaval de Nice (Plon)
Mercure de septembre 1897 page 523
Il s’agit de deux romans des frères Margueritte parus chez Plon cette année 1897 : Poum « aventures d’un petit garçon », illustré de 35 compositions de Valérie Rottembourg — dont on ne sait pas grand-chose — et Le Carnaval de Nice.
Deux livres amusants. Poum, plein de réflexions d’enfants terribles ou d’enfants naïfs, fera le bonheur des mères soucieuses de trouver de l’esprit aux nouveau-nés, et le Carnaval, récit chatoyant et burlesque de quelques adultères dans le monde des fêtards, distraira tous les voyageurs pour Monte-Carlo et même ailleurs !
Poum, illustration de Valérie Rottembourg
Le Désatre (Plon)
Mercure de mars 1898, pages 890-891
Ce roman ouvre un ensemble de quatre parus sous le titre général Une époque, cette époque étant celle de la guerre de 1870. Ces quatre romans sont parus entre 1898 et 1904 : Le Désastre, Les Tronçons du glaive, Les Braves gens, et La Commune..
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Un ouvrage tout d’actualité… puisqu’il s’agit de l’état-major en 70 !… Il serait pourtant bien difficile d’accuser les deux écrivains d’avoir bâclé ce Désastre dans un but de réclame, car le livre est gros[1], très serré, aussi documenté que possible. J’oserai dire qu’il est même plus intéressant que la Débâcle d’Émile Zola, parce qu’il est plus réellement militaire. La déclaration de la guerre aux Tuileries, le milieu intime de l’empereur et de l’impératrice, le départ pour les frontières, les impressions des chefs ambitieux et des soldats naïfs, tout ce début du grand drame est écrit sans le parti pris exaspérant des naturalistes qui dénaturent tout pour arriver à ce qu’ils appellent une page vécue. Du Breuil, un officier de l’état-major de Bazaine, monte, d’étape en étape, ce calvaire de l’honneur national pour en arriver à garder intacte la philosophie de sa consigne. Comme ce n’est pas un imbécile, c’est tout de même intéressant. Du reste, Rossel qui juge les chefs et du Breuil qui les subit vont ensemble à la défaite. Par moment, la culpabilité de Bazaine leur apparaît un peu sous les couleurs de l’innocence de Dreyfus. (Tous les grands coupables mettent un tel entêtement à être absurdes !) Il y a des récits de bataille qui font horreur, quand on songe surtout que nos généraux actuels n’y assistaient pas, et puis on abuse très peu des femmes, voilées ou non, c’est triste et boueux ; mais avec le rayon d’écarlate, la lueur de sang et d’incendie qu’il faudrait aujourd’hui pour nettoyer l’or des galons que nous savons, et on se prend à aimer le Désastre pour ce qu’il fut réellement un grand désastre où beaucoup moururent. Le malheur moderne c’est qu’on ne meurt plus !… La finesse des auteurs et une certaine douceur de toucher leur permet d’en dire long. Ils ont laissé à leur livre l’indifférente mansuétude d’une compilation faite avec des états du service réel. Ils n’outrent pas mais n’omettent rien. Dans ce rapport militaire, la petite part ménagée en roman est habile, le caractère de l’officier de 70 bien composé : il est correct, de vues courtes, ambitieux, léger de paroles mais brave à l’action. Il est clair que la préoccupation d’une opale à sertir convenablement dans un chaton feuillagé ne l’empêchera pas de se battre, fût-ce au son de la Marseillaise, et de remarquer aussi une bête à bon dieu sur la manche de son dolman pendant qu’il se bat. Aujourd’hui le même officier se battrait-il encore ? Il est bien ennuyeux de songer que pour faire la preuve, la nécessité d’un nouveau désastre s’impose.
507 pages.
Femmes nouvelles (Plon)
Mercure d’août 1899, page 498
Féministes tâchant de concilier une ancienne morale et une nouvelle liberté. Elles rédigent des journaux, font l’école aux jeunes gens et aiment des polissons selon l’éternelle loi qui semble régir ces sortes de créatures hybrides encore mal définies, même par les romanciers à leur aise, vraiment, pour leur donner le ton… car, n’en déplaise aux Margueritte, je ne crois point aux femmes nouvelles. Les romanesques ou les pédantes sont de toutes les époques. Et elles ont toujours une âme… hélas ! trop sensible.
Les Tronçons du glaive (Plon)
Mercure de mars 1901, pages 763-764
Ceux-là sont des nationalistes français[1], qui en disent, je pense, bien trop long dans le plus noble but. Après Le Désastre, voici la défense nationale de 70 : « ni un sou de notre monnaie ni un pouce de notre territoire », ce qu’il est convenu d’appeler l’organisation de la défaite par une poigne de brave commis-voyageur, je veux nommer Gambetta. Les auteurs prennent une famille d’honnêtes gens qui veulent obéir coûte que coûte à l’ordre de leur courage encore plus qu’à celui d’un gouvernement… lyrique. Durant 536 pages, on marche, tantôt en avant tantôt à reculons et on se bat moins sur le champ de bataille qu’on ne bat en retraite. Ça dut paraître effroyablement long aux pauvres mobiles et ça paraît encore plus long aux pauvres lecteurs. Enfin, il faut bien tout lire, car c’est encore du courage que l’on dépose sur l’autel de la patrie. Si les généraux de 70 avaient seulement entrevu le supplice que tous les braves écrivains français nous feraient subir avec le récit de leurs nombreuses défections, j’ai idée qu’ils se seraient mieux conduits par unique amour de l’art puisqu’ils ne possédaient point celui de leur métier personnel. Cette œuvre obligatoirement longue n’est pas sans mérite ; composée et ordonnée avec une méthode qui permet de s’y reconnaître comme sur un plan stratégique, elle embrasse toute la France, depuis la ligne défoncée des Vosges jusqu’au plan de Bordeaux, en passant par le bombardement de Paris. Il y a un membre de la famille Réal dans tous les camps et le plus heureux est encore celui qui exécute les inutiles promenades militaires tout en voyant doucement agoniser une petite maîtresse, incarnation de la gaîté parisienne. Il y a des mots jolis : « C’est encore un obus qui s’égare ! » prononcés par de bonnes petites ménagères qui vont, panier au bras et blague à la lèvre, attendre l’once de cheval crevé, aux portes des boucheries, pendant que leurs époux ou leurs amants vont à la boucherie plus certaine du côté des porte de Versailles. Un gros livre peut-être, mais un noble effort, surtout étant donnée l’indifférence générale à ce sujet.
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« Nationaliste français », par opposition aux nationalistes anglais du roman de Rudyard Kipling L’Homme qui voulut être roi, objet du compte-rendu précédent.