Georges Darien

Biribi, armée d’Afrique (Stock)

Mercure de mars 1897 page 597

Notons, en passant, un « exotisme célèbre », de nouvelle réédition : Biribi, de Georges Darien, qu’on republie, un peu expurgé, ce semble. Il a été rendu compte de ce livre[1], un beau livre de haine, tome I du Mercure page 137.

  1. Par Georges Albert Aurier, Mercure d’avril 1890. Lien sur l’ouvrage en PDF (charpentier 1906).

Cette critique suit celle du roman de G. de Raulin : Owanga, amours exotiques.

Le Voleur (Stock)

Mercure de janvier 1898 pages 226-227

Et après les Valets, ce reflet de la conscience d’un auteur épris de justice et de vérité, voici le fulgurant feu d’artifice d’un esprit prodigieusement cynique, exaspéré, mais aussi terriblement vivant dans son outrance. Le Voleur, c’est l’apologie de l’anarchie pratique. Non pas celle des illuminés et des inconscients ; de l’anarchie qui, seule, pourrait réaliser des choses utiles à notre époque de rêveurs un peu trop occupée de théories. Étant donné que la propriété c’est le vol et que nous sommes tous d’accord là-dessus, il ne s’agit plus de voler un pain, le fameux pain de Victor Hugo que les poètes mangent… il faut tout voler, où on peut, comme on peut, et même opposer, s’il est nécessaire, la banque des voleurs à la banque de l’industrie. Darien constate que le socialisme c’est l’art d’accommoder les restes de 89 à une sauce bourgeoise et que l’anarchie des Reclus[1] ou des Bernard Lazare2 n’est que littérature. Ces agitations dans le vide ont pour but l’engraissement journalier des mouchards. Alors le vol compris sans périphrase et par des intelligences deviendrait ce qu’il est convenu d’appeler à la Chambre une égale répartition des salaires… c’est-à-dire que l’individu vraiment le plus fort étant toujours le chef légal d’une majorité de pleutres, il n’a qu’à prendre… lui-même le soin de gérer sa fortune ; c’est la spéculation les armes à la main. (Voir l’histoire de France tout entière pour la meilleure explication de ce procédé et particulièrement l’époque glorieuse de 89 durant laquelle les biens des émigrés revenaient de droit aux savetiers malpropres qui avaient eu le courage immortel de les voler.) Le héros de Darien me semble un homme et je regrette que l’auteur le désavoue un peu dans sa préface. Randal3 est un lettré, un conscient, un logicien de premier ordre. Il sent que les temps sont arrivés de négliger toute hypocrisie. Au sabre d’un innocent comme M. Esterhazy ou au sceptre d’un estimable bourgeois comme M. Félix Faure, il préfère la pince-monseigneur, c’est plus courageux et plus humain. Moi, je l’en félicite.

  1. Élisée Reclus (1830-1905), géographe et militant anarchiste. Une petite avenue Élisée Reclus (230 mètres) a été ouverte près de la Tour-Eiffel en 1907, où ont habité Lucien puis Sacha Guitry.

  2. Bernard Lazare (Lazare Bernard, 1865-1903), critique littéraire, journaliste politique et polémiste fut, dit-on, « le premier dreyfusard ». Bien que modérément pratiquant, une grande partie de l’œuvre de Bernard Lazare est orientée dans la défense des juifs, notamment dans L’Antisémitisme, son histoire et ses causes, Léon Chaillet, 1894. Un autre ouvrage majeur, plus généraliste est Figures contemporaines — Ceux d’aujourd’hui, ceux de demain, paru chez Perrin en 1895 (282 pages) et réédité en 2018 chez Ellug (174 pages).

  3. Auriant, admirateur de Georges Darien prendra parfois le pseudonyme de Georges Randal. Voir, d’Auriant : Darien et l'inhumaine comédie, Ambassade du livre, Bruxelles 1960, 384 pages et son dernier ouvrage : Trois fragments de la vie de Georges Darien À l’écart, 1990, 24 pages, cent exemplaires.

Lien Gallica.
Lien Wikisource.
Lien Bibebook.

Cette critique suit celle des Valets, de Georges Lecomte, d’où le début de la première phrase.
Il paraît nécessaire de noter ici que le film de Louis Malle de 1967 avec Jean-Paul Belmondo et théoriquement tiré de ce roman, n’a que peu de points communs.