Georges Lecomte

Les Valets* (Fasquelle)

Mercure de janvier 1898 page 226

Voici un bon livre. Il est très gros[1] et très vite lu parce qu’il est bien écrit, admirablement composé. Les valets, ce sont nos estimables députés, simplement mis au point, sans parti pris ni opinion politique. C’est l’histoire d’une brave famille provinciale dont le chef, un honnête homme ordinaire ; est élu et va vivre à Paris. Le départ du brave sot, entouré de sa famille et orné du bouquet d’immortelles tricolores est une page remarquable. Ce n’est pas écrit en naturaliste ou en ironiste, c’est copié d’après la vie et avec un don d’observation merveilleux. On ne sent nullement la thèse à soutenir ou le personnel dégoût de l’auteur. Il est juste, toujours sérieux sans ennui et sans pose et ne risque pas de conclure, mais il a un soin du détail, un choix si judicieux de la scène intime et une si grande probité d’expression qu’on ne tarde pas à être emballé pour de meilleurs motifs que la passion de la politique. Cela va plus haut qu’une histoire contée, car c’est de la vie possible et logiquement rendue. Le député moderne, Carette, et le type de femme aimante qu’on désabuse grossièrement, sa jeune maîtresse, Clémence, sont deux portraits méritant de rester dans la galerie littéraire. Un livre comme les Valets fait plus pour démolir certains préjugés sociaux que tous les discours révolutionnaires des bandits payés à la fois par un peuple imbécile et un gouvernement dépravé, lesquels bandits ne servent fidèlement d’ailleurs ni l’un ni l’autre.

  1. 413 pages.