Lucien Muhlfeld
Le Mauvais désir (Ollendorff)
Mercure de novembre 1898 pages 454-455
Un roman spirituel (et ils sont rares), qui commence par la plus étourdissante consultation que puisse donner un brave homme d’avocat à une jolie femme : « Étant admis, Madame, que votre premier mari vous fait une pension alimentaire et que celui que vous épouseriez en seconde noce ne saurait, dignement, profiter du même aliment, je vous conseille de ne pas l’épouser. Comme amant, ce sera plus… rationnel ! » Bien moderne. Ce pauvre second illégitime devient jaloux à propos de rien et à propos de beaucoup de choses qu’on lui cache. On le trompe et, pour en avoir mieux la preuve, il trompe. Seulement ils sont pincés. Or, on peut parfaitement être pincé sans le vouloir et même sans le savoir. Plus ils tirent sur leur chaîne, plus ils se rivent le cœur. Un jour, la chaîne casse, mais un cœur sur deux éclate, celui de la femme, et elle meurt d’une consultation d’avocat rentrée, pas moins, la pauvrette. On est bien moderne, bien spirituel… seulement l’amour est éternel et va toujours, quand c’est le grand, vers l’immortalité. Le Mauvais Désir, c’est d’essayer de lui couper les ailes. Ce petit roman-là est plein de jolies trouvailles psychologiques et d’encore plus jolis mots. Il n’est ni malpropre, ni pervers, il est intime et sent la violette fanée comme si, dès la première page, un bouquet de deuil s’écrasait, déjà mort sous les caresses, entre les deux seins un peu bas de Renée Aubert.