Maurice Maindron

Saint-Cendre (Revue blanche)

Mercure de juin 1898, pages 830-831

Le tort des romans historiques est de nous parler de rois et de reines en négligeant les caractères du temps dans de plus humbles personnages. Maurice Maindron a compris qu’il serait davantage intéressant de nous étaler des passions humaines en leur faisant traverser une époque loin de la nôtre et en leur laissant cependant, toute leur saveur d’éternité. En 1568, le marquis de Saint-Cendre, dompteur de femme et homme de guerre, est un peu semblable à un Don Juan moderne, sa compagne Gabrielle est aussi peu chaste que les mondaines du vernissage et il y a jusqu’à une petite jeune personne de Lesbos qui ressemble terriblement à des demi-vierges de notre ère. Arquebusade, guet-apens, duels de routiers au prise de forteresse sont des accessoires qu’on peut enlever pour les remplacer par les meubles américains de la maison Bourget et Cie voire même Mendès sans Cie. Mais c’est une habileté d’avoir changé un peu la mise en scène. Cela permet des situations plus hardies et une paillardise plus Phœbus. (L’auteur ne se prive point du détail scabreux… on le dirait tout le temps en train de dérouiller la ceinture de Cluny !) Il y a, par-dessus les grivoiseries, une assez belle figure de paillard taciturne : M. de Clérambon. Celle-là suffirait à excuser quelques descriptions d’une nudité effarante.

Blancador l’Avantageux (Revue blanche)

Mercure de janvier 1901, page 171

Cet auteur est un spécialiste et comme tel il faudrait des spécialistes pour le juger. Le roman historique a été perdu fond et forme par les hommes célèbres dont les noms sont dans toutes les bouches. Il ne convient pas de faire le procès de ces écrivains prodigieux, qui créèrent de la fiction avec des vérités et se prirent les ailes dans les toiles d’araignées qui recouvrent les parchemins de l’histoire de France. On a abusé des rois, des reines et des héros. On a peu cherché à rendre la vie naturelle des intérieurs plus simples, car la difficulté n’était pas la reconstitution d’une perruque de Louis XIV, mais peut-être de savoir comment se portait la dite perruque ailleurs qu’à la cour. Blancador est un fils de famille d’abord entretenu par les belles dames selon l’usage très ordinaire du temps. Il est bête, vaniteux, joli et assez lâche. Il vit sa vie avantageusement, sans grand souci de morale ni de philosophie. C’est un personnage nullement héroïque dans le grand sens du mot, mais on est toujours le héros de quelqu’un, et il est estimé car son regard couche les dames… qui généralement ne savent pas pourquoi elles se couchent, sinon que la nuit tombe et qu’elles aiment à tomber avec. Vers la fin du volume, un supplice de l’estrapade fort attrayant… pour les amateurs, et une punition d’adultère innocente des plus sinistres. Blancador l’avantageux est un roman aussi sérieusement documenté qu’un roman moderne. Il est le résultat d’un grand travail, il coûte peu de peine à lire au lecteur et il est amusant par places.

Lien Gallica

Ce roman est dédié à Louis Ganderax.