Pierre Guédy

Amoureuse trinité (Nilsson)

Mercure daoût 1897, page 343

Pierre Guédy (1872-1903, à 34 ans), camarade de Paul Léautaud à l’école de Courbevoie, a été, en 1893, collaborateur de la revue de van Bever et Paul Léautaud L’Indépendance littéraire, puis directeur, en 1896, de la publication du mensuel parisien L’Aube qui dura moins d’une année. Il fut l’un des premiers, avec entre autres Gyp, Jean Lorrain et Victor Margueritte, à participer aux débuts du « photoroman littéraire français », à caractère quelque peu érotique et visant principalement une clientèle de jeunes femmes célibataires..

Une œuvre hardie, trop hardie, qui gagnerait certainement à ne pas se préciser en des photographies décolletées[1]. Je m’obstine à ne pas bien saisir quel profit d’art un auteur peut voir en les réclames suivantes que je copie (loyale réclame) au dos de la couverture de son très somptueux livre : « Ce livre a été achevé d’imprimer sur les presses de M. Édouard Crété, le 10 Juin 1897. — Les Photographies ont été faites par M. Paul Sescau, Paris. — Le papier a été fourni par la Maison F. F. Guinery. — Les meubles qui ont servi pour les illustrations ont été fournis par la Maison Perrichet et Belzacq rue de la Pépinière, Paris. — Les costumes et les maillots ont été fournis par la Maison Paccaud sœurs, Paris. » Maintenant vous me direz que cela n’engage en rien l’auteur. Hum ! je suis persuadée que cela doit le rendre très malheureux.

  1. Le roman est « orné de 100 illustrations dont 9 planches hors-texte obtenues par la photographie d’après nature » selon une première édition de 1891. Voir André Ibels : « Enquête sur le roman illustré par la photographie », Mercure de France, janvier 1898, pages 97-120. À cette enquête ont répondu plusieurs auteurs présents ici dont Remy de Gourmont et Ferdinand Herold, Pierre Louÿs, Stéphane Mallarmé, Paul et Victor Margueritte et Rachide, qui répond : « Mon avis est qu’il ne faut jamais, jamais illustrer une œuvre d’art littéraire. / Quant à la photographie, elle est pour la réalisation de la Beauté, ce qu'une bicyclette peut être devant un cheval arabe. »

L’Heure bleue (Per Lamm)

Mercure de juin 1899, page 765

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Plus chaste et mieux écrit parce que plus simple que le dernier roman de cet auteur Amoureuse trinité, celui-ci est la peinture tendre, une aquarelle très azurée d’une passion d’Orient à la fois fatale, triste, ne tendant que vers la chair mais se divinisant dans la mort. Le livre est orné de jolis médaillons de femmes.

Mortelles chimères (Flammarion)

Mercure de septembre 1900, page 762

Un père, halluciné par l’existence très problématique d’un trésor, tel qu’il en existait du temps de Balsamo[1], et des filles dévorées par toutes les passions ambitieuses, nobles ou pas nobles, se groupent en un touchant accord pour être extrêmement malheureux. L’une de ses filles, qui pourrait bien représenter la raison froide en face de ces poètes, de ces altérés de mystère et de grandeurs, se prostitue pour subvenir aux dépenses de toute la famille, car personne ne travaille, bien entendu, dans cette maison de toqués. On part, un beau matin, pour conquérir le trésor et on arrive sur un rocher désert où l’on meurt dans l’attente de l’impossible. Il y a de jolies choses dans ce livre qui marque une nouvelle étape de l’auteur vers un autre idéal que celui de la pornographie. C’est peut-être excessif et peu dans la vie moderne, mais c’est tout de même intéressant, plus intéressant que l’éternelle histoire d’amour ornée de clichés photographiques2.

  1. Joseph Balsamo (1743-1795), aventurier plus connu sous le nom de « comte de Cagliostro » et surtout connu grâce au roman d’Alexandre Dumas.

  2. Allusion au roman précédent de Pierre Guédy.