Paul Brulat

Le Reporter (Perrin)

Mercure de décembre 1897 page 890

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Un gros document sur le reportage, une des plus détestables inventions modernes, car elle aide à former de détestables écrivains. Paul Brulat est naturaliste selon Médan[1] et il ne nous fait grâce de rien. Ni des potins, ni des scies connues depuis le premier échotier, ni des types que l’on retrouve journalistes dans tous les livres sur les lettres. C’est probablement par son excès de sincérité qu’il semble souvent répéter des choses déjà dites. Mais une vision éclaire d’une lumière de chair mise à nue tout ce bouquin noir : celle de la petite Méryem. Paul Brulat est un brutal, seulement, sous son gros doigt de consciencieux qui s’imagine qu’il faut toujours tout dire, il écrase un joli papillon de Montmartre et nous permet de contempler de près ses véritables couleurs. Nous voilà fixés… comme le papillon ! Encore une forme de journalisme moderne, cette petite Méryem amoureuse platoniquement de la gloire des autres. Ah ! Paul Brulat, puisque vous avez piqué, du bout de votre plume féroce, le joli petit animal, tenez-le bien… j’ai grand peur qu’il ne vous échappe pour courir à encore plus de gloire.

  1. Allusion aux « groupe de Médan », qui réunissait une poignée de naturalistes autour d’Émile Zola dans la petite maison qu’il avait achetée à Médan en 1878. Parmi les invités cinq se sont associés à Émile Zola pour écrire chacun une nouvelle du recueil paru en 1880 chez Charpentier sous le titre Les Soirées de Médan : Émile Zola, Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Henry Céard, Léon Hennique et Paul Alexis (dans l’ordre de parution).

Signatures des auteurs en hommage à Théodore de Banville (Gallica)

La Faiseuse de gloire (Villerelle)

Mercure janvier 1901, page 172

C’est la presse. Un peu plus on lirait : la faiseuse d’anges ! Un journaliste traverse les différentes routes qui mènent à la célébrité, tout en demeurant un honnête homme, ce qui, au premier abord, semble bien impossible. Enfin, puisqu’il devient le génie de celui qui n’en n’a plus, c’est-à-dire le romancier d’un journaliste, tout finit très bien. Je reprocherai à ce livre de ne pas être plus exact qu’une œuvre de naturaliste ordinaire. Dans les débuts, on offre cent francs par nouvelle dans un journal à un jeune homme qui dicte ses conditions, et on le félicite sur sa modestie. Il n’y a pas d’exemple de conditions dictées par un jeune écrivain à un directeur, pas plus que d’offre de cent francs par nouvelle. On donne à Pierre Louÿs un franc la ligne au lendemain d’Aphrodite ou un louis par conte à Jean Rameau[1] en pleine gloire. Quant au Monsieur, dont le héros de l’histoire devient le pourvoyeur, vers la fin du roman, je le connais beaucoup mieux que l’auteur. Cet aimable personnage, plus dilettante que franche canaille, fut blessé, d’un coup de revolver à l’épaule, par un beaucoup plus froidement dilettante que lui, je veux dire : plus fort, et, cruellement atteint, perdant son sang à flots, il a bandé sa plaie lui-même pour ne pas porter plainte contre le camarade assassin qu’il estimait plus haut que les petites femmes pleurnicheuses de toutes ses nuits d’aventures. Ne voir en une crapule qu’une crapule, c’est l’art des gens simples et honnêtes comme le journaliste Pierre. Or les gens simples et honnêtes ne savent jamais tout et… ce n’est pas un reproche que je leur ferai !

  1. Jean Rameau (Laurent Labaigt, 1858-1942), romancier et poète.

    Dans le prochain numéro du Mercure, page 491, à la fin de sa chronique, Rachilde communiquera : « J’ai reçu de M. Paul Brulat, un mot me priant de déclarer que le personnage appelé de Mirande, dans la Faiseuse de gloire est absolument fictif. Je m’en étais parbleu bien aperçu, mais je ne voulais pas le dire à mes lecteurs, pour leur laisser croire qu’un roman sur la presse est toujours sérieusement documenté, même lorsqu’il est écrit par un bon journaliste. »