Paul d’Abbes

Un de Nous (Société libre d’édition des Gens de lettres)

Mercure de février 1897 page 390

Un de Nous, par le comte Paul d’Abbes (c’est encore une dame, je crois[1]), nous informe longuement de la méprise d’un gendre qui couche avec sa belle-mère le soir de ses noces. C’est peu banal. Roman passionnel où les phrases font, ou doivent faire des marques, dans la peau du lecteur. Que l’on en juge :

« Quoi ! une virilité s’était offerte ! dans laquelle elle n’avait pas frappé du pied à la crever ; des bras s’étaient ouverts qu’elle n’avait pas repoussés, qui s’étaient refermés sur elle, — heureuse ! elle, mère ! par l’homme à qui elle avait donné sa fille. »

Il y a là une image un tantet[2] risquée, comme dirait Mme Marcelle Vermont[3]. D’ailleurs, beaucoup d’autres descriptions plus gracieuses, celle-ci, par exemple :

« Son âme se rafraîchissait dans la prière, s’y roulait, y dépouillait sa gangue de vice, y brûlait sa surexcitation. Souvent, — et cela persistait malgré l’âge, à sa nuque ruisselait la fraîcheur de l’église où il priait, caresse semblable à la main promenée d’une femme. »

  1. Non, Paul d’Abbes, né en 1867 à Perpignan n’est pas une dame. Un de nous est son premier roman. À la fin de sa chronique du numéro suivant (mars 1897, page 599), Rachilde écrira : « Une sotte erreur m’a fait dire que : Un de nous, roman du comte Paul d’Abès était un roman de la comtesse d’Abès d’Assignan. Ce livre lui est seulement dédié. »

  2. Ce tantet a laissé place, récemment, au tantinet. En prenant l’édition Stock 1898 de La Cathédrale de J. K. Huysmans nous lisons au chapitre XIII où sont décrites des statues : « Le haut du visage est candide, les cheveux sont taillés en rondelle, la figure est imberbe, la mine monastique; mais entre le nez et les lèvres, descend une pente spacieuse et la bouche, fendue en coup de sabre, s’entr’ouvre en un sourire qui finit, quand on le scrute avec soin, par devenir un tantet gouailleur, un tantet canaille, et l'on s’interroge pour savoir devant quelle sorte d'ange l'on se trouve. » Les éditons ultérieures ont remplacé ces tantets en tantinets.

  3. Allusion à la critique du livre précédent : Marcelle Vermont : Pédaleuse.

Paul d’Abbes
Paul d’Abbes

Paul d’Abbes

La Fête de vie (Ollendorff)

Mercure d’août 1899, page 497

Un mari et une femme, au milieu des fêtes sensuelles de leur lune de miel, qui se séparent sensuellement pour se retrouver après un adultère. Le mari pardonne et la naissance de l’enfant de la faute les rejette, malgré les souvenirs odieux, aux bras l’un de l’autre plus épris. La femme apprend à l’homme inexpérimenté, marié bien trop jeune, des choses qu’il ignore et il lui devient reconnaissant. Fête nouvelle sur laquelle tombe enfin le soir éternel de la satiété. Roman intéressant, écrit avec une assez grande richesse de descriptions passionnées. Jolies images serties dans un souple style.

L’Ombre des voûtes (Flammarion)

Mercure de décembre 1900, page 795

Le procès de cet esprit de renoncement qui plane depuis si longtemps sur le monde catholique et l’épuise jusqu’aux pires vices d’imagination. L’ombre des voûtes c’est la froideur du sacrifice perpétuellement imposé aux ardents et aux volontaires qui sont pourtant les créateurs. Lucien cherche la lumière et la vie et va, par l’art, à d’autres raffinements que celui de se détruire pour un idéal d’ailleurs très peu poétique d’une religion presque toujours obscure. Il finit par rencontrer, dans le crime, une femme représentant pour lui la sagesse sous la forme inattendue de la volupté. Derrière Dieu il y a l’amour et derrière l’amour la profondeur merveilleuse de la volupté. Cet homme sort de la volupté comme d’un bain lustral. Il est éclairé par la lumière du bonheur qui rend pur puisqu’elle rend meilleur, et tout prêt aux généreuses révoltes. La donnée de ce roman est hardie, mais l’auteur a su s’en tirer avec beaucoup de tact.