Auguste de Villiers de l’Isle-Adam

Histoires souveraines (Deman à Bruxelles)

Mercure de janvier 1900, pages 189-190

Villiers de l’Isle-Adam est mort il y a plus de dix ans, en août 1889. Ces Histoires souveraines sont parues en mars dernier (1899). Lisons ce qu’écrivait à ce propos Émile Drougard en 1948 dans Les Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest : « C’est un magnifique volume de 370 pages et de grand format : 26 cm. sur 19. Il en a été tiré 50 exemplaires sur papier du Japon et 10 sur Hollande Van Gelder. Les exemplaires ordinaires sont tirés sur un superbe papier vergé fort. Des frontispices et des culs-de-lampe dessinés par Théo van Rysselberghe agrémentent chaque chapitre. La couverture rempliée imite une étoffe de soie d’un vert foncé et mordoré. Les titres, frontispices et culs-de-lampe sont d'un vert grisâtre en deux teintes, clair pour les ornements, foncé pour le titre. »

Voici un livre d’étrennes, un beau livre d’étrennes littéraires à offrir, soit à une jeune femme aimant sincèrement la lecture soit à un jeune homme amoureux d’art. L’éditeur, Edmond Deman, sous une couverture de soie vert-myrthe, un titre d’or, a réuni les vingt fleurons d’une couronne, en effet, souveraine, pour tous ceux qui ont le respect des lettres françaises. Il se trouve que cet éditeur est belge. Ne disons pas ceci à la louange des éditeurs français. (Que deviennent, hélas ! les tombeaux de Baudelaire, les bustes de Verlaine, et toutes les bonnes volontés… impérissables ?) Le peintre Van Rysselberghe a encadré, des lignes souples de son talent, cet album précieux où se reflètent, comme en un austère miroir ancien, une eau verte d’abîme, les filles farouches, les héroïnes d’amour, les guerrières inquiétantes, les chevaliers de légende et les grâces ironiquement prophétiques du terrible esprit de Villiers. Le choix de ces contes fut dirigé par le grand poète Stéphane Mallarmé — gloire sur gloire — et comprend : ViraVox PopuliDuke of PortlandImpatience de la fouleL’IntersigneSouvenirs occultesAkëdyssérilL’amour suprêmeLe Droit du passéLe Tsar et les Grands DucsL’aventure de Tsë-i-laLe tueur de cygnesLa Céleste aventureLe jeu des grâcesLa Maison du bonheurLes Amants de TolèdeLa Torture par l’espéranceL’Amour sublimeLe Meilleur amourLes filles de Milton.

C’est-à-dire les meilleures pages d’une œuvre glorieuse. On n’attend pas de moi un éloge quelconque de ce livre ? Je suis, en présence des premiers symbolistes, ou des derniers romantiques, un peu comme le chien devenu enragé après le départ des maîtres, tournant furieusement autour de la maison vide en hurlant la mort, et qui croit, cependant, tout au fond de son instinct de naïve bête fidèle, que c’est du silence et des ténèbres que se forment… les dieux !