Jean Psichari
Le Rêve de Yanniri▼ — La Croyante▼▼ — L’Épreuve▼▼▼
Le Rêve de Yanniri (Calmann-Lévy)
Mercure de décembre 1897 pages 890-891
De famille grecque, né à Odessa, Jean Psichari (1854-1929) est arrivé en France âgé de quatorze ans et y est resté. 1882 il a épousé Noémi Renan (1862-1943), fille d’Ernest Renan, qui lui a donné quatre enfants, Ernest, Henriette, Michel et Cornélie, avant leur divorce en 1913. Michel (1887-1917) épousera Suzanne Thibault (1881-1918, secondes noces pour elle), fille aînée d’Anatole France avant de mourir au combat en avril 1917. Jean Psichari fut en 1885 directeur d'études à l'École pratique des hautes études puis professeur à l'École des langues orientales de 1903 à 1928. Il aurait fait des dons importants à la bibliothèque du Sénat.
En suivant ce rêve avec attention, j’ai remarqué qu’il tournait au cauchemar. Quatre cent-six pages de songeries, fussent-elles hantées par un esprit né malin et en Grèce, c’est long ! Il s’agit d’un héros qui réussit dans tout ce qu’il entreprend, littérature ou femmes. Il fait des drames et des romans qui passionnent tout Paris et lui jettent, aux bras, la fine fleur des intellectuelles. C’est étonnant. Mais pour un rêve ce ne l’est pas encore assez. La gloire dégoûte Yanniri. Il s’en retourne dans son île natale, où il trouve l’amour sous les traits d’une enfant au cœur délicieux, beaucoup plus un leitmotiv qu’une créature humaine. Ils s’aiment chastement jusqu’au tremblement de terre final et apothéotique clôturant le livre, ses meilleures pages, moins dans le rêve, vous aidant à vous réveiller d’une torpeur inquiétante pour le succès de l’œuvre. Le style de Jean Psichari est à la fois poétique et bon enfant. Il est rempli de petites locutions familières qui vous passent la main dans les cheveux avec une persistance trop méridionale. La préface nous prévient que dès qu’il s’agit de symbole on croit devoir s’établir, de nos jours, en des sphères supérieures sous le rapport de l’écriture. Je me permets de lui répondre qu’en s’établissant autrement on risque de se faire prendre beaucoup plus pour un Marseillais que pour un Grec de la bonne école.
La Croyante (Stock)
Mercure de juillet 1899, page 185
Le défaut capital de cet auteur est de faire long, mais je le lis avec attention et je pense que c’est parce qu’il intéresse. Il s’agit du duel de deux époux dont l’un croit en Dieu (et surtout aux bondieuseries) et l’autre n’a foi qu’en la nature. La femme finit par l’emporter avec ses croyances fort vagues, du reste, sur… l’harmonie des mondes entre eux. De jolies scènes d’intérieur chez la famille Eyli Une tante Angélique énergiquement catholique et d’un égoïsme terrifiant. Ce livre est mieux, bien meilleur que le Rêve, trop imaginatif, de Yanniri.
L’Épreuve (Calmann-Lévy)
Mercure de janvier 1900, pages 195-196
Une œuvre très forte contenant, dans un récit très condensé, un peu sombre de style, un violent parfum d’amour, comme un coffret hermétiquement clos pourrait laisser échapper une odeur très exquise. La trame de ce roman est fort simple : un père intercepte des lettres écrites par un amoureux à sa fille, et celle-ci ne les reçoit qu’à la mort de son père, c’est-à-dire lorsqu’elle est mariée et mère de famille depuis longtemps. Très poignant.