Camille Pert
Les Florifères▼ — Leur égale▼▼ — Mariage rêvé▼▼▼
Les Florifères (Simonis Empis)
Mercure de mai 1898, page 547
Jane de La Vaudère (Jeanne Scrive, 1857-1908), Les Demi-sexes, Ollendorff, 1897, 303 pages.
Ce sont les demi-sexes de Jane de la Vaudère[1] présentés sous un jour plus littéraire. Et puis, il y a une création : l’homme-fleur. Un Monsieur très décidé à ne pas porter de fruit et qui porte, naturellement, beaucoup d’autres choses. Camille Pert a le dialogue aisé, très vivant, et intelligent. Sans tirades maladroites, elle touche assez souvent la véritable plaie… dite sociale. Un livre bien composé et écrit beaucoup mieux que les ordinaires livres de femmes.
Camille Pert (Louise-Hortense Grille, 1863-1952), journaliste et romancière féministe.
Leur égale (Simonis Empis)
Mercure de mai 1899, page 465
Leur égale, aux hommes, ce serait alors la femme libre qui s’offre le caprice d’un amour libre et qui en demeure blessée éternellement. Mon Dieu, tous les hommes ont en effet ce privilège, d’aimer et d’être trahi. Cette loi date du commencement du monde et elle n’est le résultat ni d’un état social ni de l’infériorité d’un sexe. Ceux qui aiment sont toujours trahis. Maintenant on pourra élever les femmes dans le principe d’une neutralité absolue. Ceux ou celles qui n’aiment rien sont très capables de ne jamais souffrir… mais que de voluptés perdues ! Maintenant, les féministes redoutent, sur la couverture de Leur Égale, de ne point plaire parce qu’elles savent. En amour, les créatures vraiment intelligentes doivent toujours avoir l’air d’ignorer… Il n’y a que ces brutes d’hommes qui ont l’idée fixe de montrer leur force. Espérons que le féminisme n’enlèvera pas le droit à l’esprit, et qu’on égalera ces Messieurs, sauf sous le rapport de la naïveté !
Mariage rêvé (Simonis Empis)
Mercure de mars 1900, pages 770-771
Un jeune ingénieur, de la race des héros de Bourget, épouse une jeune Parisienne de la race des héroïnes de Paul Hervieu (l’esprit en moins). Dès le début de cette union ça ne va plus. La jeune personne, Lucie, est déplorablement étourdie, petit caniche de salon et poupée vide. Le mari, trop amoureux, et aussi trop, bien trop naïf, s’en aperçoit et s’efforce de lutter pour son bonheur. Il fait un enfant, elle fait un amant et le vice s’en mêle sous la double forme d’un frère et d’une sœur de la race des héros de Paul Adam. Cela finit par un coup de pistolet sans résultat et le divorce. Une femme à la fois fatale et très honnête reprend son empire sur André qui sera l’inventeur d’un nouveau système de défense du féminisme : la nourrice sèche. (En amour, c’est assez pratique.) Mme Camille Pert a beaucoup de talent. Elle compose admirablement un livre. Cela se tient, c’est solide, pas trop mondain ni moderne, et si ses héros ne sont pas des créations c’est parce qu’elle s’efforce de les choisir dans les milieux connus, et à en faire des visages déjà vus. Je ne reprocherai donc à l’auteur que des futilités : la simplesse de son ingénieur ; il est par trop simple. Quand il vient raconter à sa future belle-mère sa presque innocence on devine aisément qu’il sera… ; en revanche, la jeune mariée demeurée sous des impressions de lune de miel et de plus, dans un état intéressant, ne doit pas, logiquement, tromper son mari. Ça c’est trop littéraire pour être vrai. L’adultère doit être, chez les femmes ordinaires ou mondaines, un réactif violent qui ne s’applique point à un état de ce genre. Une jeune femme, enceinte n’ira pas se jeter dans les bras d’un homme après un bal ou flirt. Ce serait mal interpréter la suprême pensée de coquetterie qui conduit ce genre de créature à la faute. Le style de Camille Pert est agréable, je dirai : de bonne compagnie, à part que je n’aime guère la locution la fixa pour la regarda fixement, dont elle abuse, ainsi que de l’ablation des ovaires, d’un usage moins courant.