Jeanne Marni
Fiacres▼ — Celles qu’on ignore▼▼ — À table▼▼▼
Fiacres (Ollendorff)
Mercure de mai 1898, page 548
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J. Marni est le pseudonyme de Jeanne Marnière (Jeanne Barousse, 1851-1910), auteur féministe à succès.
Le boulevard qui roule en ramassant une pétillante mousse d’esprit et de l’écume aux mors des pauvres chevaux. C’est tellement actuel, moderne, dans le train et dernier cri, qu’on a presque peur que cela ne soit pas éternel, mais c’est très humain, quelquefois, et on respire…
Celles qu’on ignore (Ollendorff)
Mercure de mars 1899, pages 754-755
Ce sont des documents sur les femmes honnêtes… par conséquent celles qu’on ignore. Un prétexte à avoir de l’esprit sur le dos de ces dames que l’auteur, en effet, semble peu connaître. La maman d’Henri est une perle. Il s’agit d’une mère qui entretient la maîtresse de son fils après la mort de celui-ci, par amour… maternel. Une vraie trouvaille, sans exagération.
À table (Ollendorff)
Mercure de septembre 1900, page 760
J’ai vu, dernièrement, jouer l’Aile, petite comédie de la vie intime où la belle-mère se trouve en face du gendre ayant entre eux une petite femme amoureuse de son mari sans trop savoir pourquoi. C’est au théâtre surtout que l’art de l’auteur de cette courte scène se révèle intensément et c’est là que l’on commence à comprendre que pour des acteurs qui n’ont qu’un geste à faire ou qu’un mot à dire Marni est une providence. Aujourd’hui il n’est pas une femme de lettres un peu dans le train qui ne s’imagine fabriquer du Marni au rouleau ! Et je n’en connais point qui soient capables de trouver le secret de Marni. Le mot, le geste sont, chez cet écrivain, des éclairs de vérité humaine. Sous la nuance parisienne il y a le fond d’égoïsme qui nous vient de nos ancêtres habitant les cavernes. Là, quelque guenon patriarcale ou simplement plus longtemps méchante qu’aucune autre guenon de la famille avait l’habitude de tyranniser le mâle jeune ou vieux, en s’attribuant l’aile de l’oiseau tué en chasse, et cette coutume finit par devenir la loi, la tout entière loi féminine que le mâle, jeune ou vieux, tyran ou esclave, adopte par lassitude et aussi parce que cette perpétuelle complaisance lui permet d’exercer d’autres droits plus sérieux. Dans l’Aile nous voyons une bonne, selon le rite des petits ménages, une fille abrutie et sale qui apporte les plats en y posant le pouce noir. Et cette bonne n’a rien des conventions imbéciles du théâtre, elle est là pour être dans la cuisine et on sent sa présence réelle sur la scène rien qu’au pouce noir sur les plats. À la fin elle achève l’aile demeurée sur l’assiette de sa maîtresse et puis elle dit : « c’est bon ça,» femelle en sous-ordre héritant du droit au morceau, par l’instinct du vol régissant toute faiblesse humaine de second plan. Ces petites nouvelles, dites bien mieux qu’écrites, sont des merveilles de juste observation et de notation photographique. Il y a, au monde des lettres, deux femmes, qui, sous les apparences de la rosserie parisienne, tiennent bien réellement les ficelles du pantin mondain, ou humain, c’est Mesdames Gyp et Marni… et l’infériorité des autres découle principalement de ce qu’elles ont, toutes ou presque toutes, l’idée de pasticher ces deux-là.