Jacques Le Lorrain

L’au-delà (Ollendorff)

Mercure de juin 1900, pages 757-758

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La préface spirituelle et doucement encourageante de Jules Bois nous initie aux vicissitudes d’un romancier, Jacques Le Lorrain, qui, après avoir œuvré de ses mains, se remet à œuvrer de sa plume. Le roman est écrit dans un style déjà vieilli, admettant la discussion plus que le fait et se hérissant de beaucoup de noms propres ce qui est toujours un défaut chez un auteur désireux d’affirmer sa véritable science. Nous allons dans un château périgourdin aux abords difficiles et d’un décor trop voulu. Il y a une jeune fille sorcière ou ensorcelée qui monte à bicyclette comme il sied et le héros de l’histoire, précepteur des jeunes frères, en devient amoureux comme il sied. L’au-delà se manifeste surtout en un chien et quelques vagues bruits de corridor. Une séance spirite est de temps à autre de rigueur. Si on ne discutait pas tellement sur les problèmes que vous savez il y aurait matière à terreur. Si convaincu d’au-delà que puisse être un romancier, il ne faut pas qu’il oublie, au moins dans un roman, qu’il nous doit à nous autres, humbles lecteurs non initiés, le frisson de ce même au-delà.

Les moyens d’obtenir la terreur et de nous mettre dans l’état du Monsieur qui attend quelque chose de solennel sont souvent d’un tout autre ordre que ceux qui relèvent d’une croyance quelconque. Je ne blâme pas la conviction de Jacques Le Lorrain, je lui en veux de ne pas me la communiquer. Il nous prépare trop longuement à quelque catastrophe trop brièvement résumée. Cependant je mentionne le chien fatidique avec louange, quand il revient, seul, portant le chapeau de la jeune fille morte au fond du précipice, il arrive à point. En somme Jacques Le Lorrain a tenté une œuvre forte. Si elle est trop touffue, c’est peut-être par excès de conscience, de lecture et de travail. Des excès auxquels les romanciers du jour ne nous habituent guère.