Bernard Lazare

Les Porteurs de torches (Armand Colin)

Mercure de mars 1897 page 598

Les Porteurs de Torches, de Bernard Lazare[1], nous éclairent socialement. Juste et Marcus traversent, ou font halte, dans les diverses forêts de Bondy de notre époque trouble. Le livre est une série de tableaux, bien plus qu’un roman lié en gerbes de chapitres. L’auteur s’y révèle excellent conteur et styliste parfait, un peu rhéteur, peut-être, d’une sobriété très voulue et qui s’efforce de dépouiller le poète, non oublié, du Miroir des Légendes[2], l’un des ouvrages les mieux écrits que je connaisse. Les Cœurs purs représentent le morceau de l’œuvre, à mon humble avis, parce que, sans doute, il me rappelle le poète dans le sociologue.

  1. Bernard Lazare (Lazare Bernard, 1865-1903), critique littéraire, journaliste politique et polémiste fut, dit-on, « le premier dreyfusard ». Bien que modérément pratiquant, une grande partie de l’œuvre de Bernard Lazare est orientée dans la défense des juifs, notamment dans L’Antisémitisme, son histoire et ses causes, Léon Chaillet, 1894. Un autre ouvrage majeur, plus généraliste est Figures contemporaines — Ceux d’aujourd’hui, ceux de demain, paru chez Perrin en 1895 (282 pages) et réédité en 2018 chez Ellug (174 pages).

  2. Bernard Lazare, Le Miroir des légendes, dix-neuf nouvelles, Lemerre février 1892, 283 pages.

La Porte d’ivoire (Armand Colin)

Mercure de mars 1898, page 891
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Comme en le Miroir des Légendes, il y a de belles choses dans ce livre écrit pour les esprits amis[1]. À part qu’il est un peu biblique et selon la forme des restitutions antiques chères aux rhéteurs, il est instructif, d’une langue sérieuse, claire, toujours pensée avant d’être proférée. Les esprits amis, sont, je crois, pour Bernard Lazare, ceux qui eurent les mêmes maîtres philosophiques. Mais n’y aurait-il pas, justement, trop de maîtrise à n’écrire que pour eux ? Il se dégage un air froid de ces murailles de pierre sur lesquelles l’auteur désire graver son nom ou celui de ses héros. Il est froid, l’auteur, parce qu’il ne semble s’approcher avec plaisir que des tables de la loi et qu’il ne nous parle que par symboles, derrière les premières grandes écritures. Dalila expliquée, justement, par la pénétration de ses premières grandes écritures est cependant une des belles pages de ce volume et une de ses plus ingénieuses fictions.

  1. Fin du « Dialogue » ouvrant ce livre.