Jane de La Vaudère

Les Sataniques (Ollendorff)

Mercure daoût 1897, page 342

Il y a une chose qui empêche les gens d’avoir peur en lisant des histoires de revenants, c’est quand l’auteur leur en donne des explications logiques. Le spiritisme, le magnétisme (animal ou spirituel) ont cela d’exaspérant, c’est qu’ils aident particulièrement les lecteurs blasés à se désintéresser de l’au-delà. Il ne faut jamais avoir fréquenté de médium pour pouvoir conserver la moindre illusion sur l’existence du surnaturel. La magie (noire et blanche) n’est plus guère qu’un damier où les coups sont prévus trop à l’avance. Ceci dit, Mme de la Vaudère tire un honorable parti des phénomènes en question, son livre s’adorne d’une jolie petite sorcière que flatte un chat vigoureusement sombre et contient une autre statuette bien campée dans un décor féroce : Bérénice, une pauvre amoureuse changée en Vénus d’argent. Les passages où craque le métal sur la fusion des chairs décomposées est fort palpitant.

Jane de La Vaudère (Jeanne Scrive, 1857-1908) est une romancière particulièrement portée sur les romans érotiques, si l’on en croit des titres comme ceux de ses prochains romans : Les Demi-sexes, de cette même année 1897, Les Frôleurs (1899) ou Les Androgynes (1903)… Jane de La Vaudère écrira aussi quelques pièces de théâtres comme Pour une nuit d’amour ! drame en un acte de 1898 ou Le Modèle, comédie en un acte, en vers de 1898.

Les demi-sexes (Ollendorff)

Mercure de septembre 1897 page 523

Livre d’une moralité austère, prétend une annonce du Figaro[1]. Grand procès de l’ovoriatomie et descriptions des perversités qu’il convient de flétrir, depuis quelque temps, tout en les propageant par la vulgarisation du détail. Les hommes de lettres se chargent assez volontiers du soin de détruire le vice en l’exhibant sous toutes ses formes sans que les femmes de lettres… Moi, d’ailleurs, ça m’est égal qu’on me raconte, avec élégance, des choses que je sais déjà ; mais, que Mme de la Vaudère excuse ce léger paradoxe, l’audace n’est vraiment estimable qu’accompagnée de conviction. Chaque fois qu’on intitulera un livre de moraliste, austère ou non, les Demi-Sexes, ça sentira un peu l’hypocrisie bourgeoise, c’est-à-dire le désir de répandre son œuvre au moins autant que les Demi-Vierges de Prévost2, et par conséquent on risque de gangrener au lieu de guérir. La seule manière d’être correct dans l’incorrection et d’éloigner les gens d’une lecture dangereuse, c’est d’annoncer purement et simplement qu’on a fait un livre médical au lieu d’un roman à sensation… ou encore de ne pas poser au moraliste austère… par la voix du Figaro !

  1. Le Figaro du 21 juillet, au bas de la dernière colonne de la page deux, dans un texte qui sent bien la compromission : « Vient de paraître » : « Chez Ollendorff : Les Demi-sexes, le nouveau roman de Jane de La Vaudère. Il fallait le rare talent d’écrivain et de moraliste de l’auteur de tant de livres à succès pour aborder cette puissante étude de passions dont tout le monde parle. / Notre service de librairie se charge d’envoyer cet ouvrage contre remboursement. »

  2. Marcel Prévost, Les Demi-vierges, Flammarion été 1894, 284 pages.

Le Sang (Ollendorff)

Mercure de juillet 1898, page 231

Histoire d’un fils de fous. La lutte contre l’idée fixe et l’atavisme. Drame toujours intéressant.

Les Frôleurs (Ollendorff)

Mercure de septembre 1899, page 781

Roman dialogué à la façon des histoires genre vie parisienne, seulement le vice, pour y être réellement du vice… bien parisien y est trop appuyé.