Anatole France
L’Anneau d’Améthyste▼ — Clio▼▼
L’Anneau d’améthyste (Calmann-Lévy)
Mercure d’avril 1899, pages 179-181
Rachilde, une fois encore (mais pas la dernière) fait montre de son antidreyfusisme convaicu.
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Le mot chapitres peut prêter à confusion. Le mot romans eut été plus clair. L’Anneau d’améthyste est le troisième d’un ensemble de quatre romans parus chez Calmann-Lévy de 1897 à 1901 : L’Orme du mail, Le Mannequin d’osier, L’Anneau d’améthyste et Monsieur Bergeret à Paris. Cet ensemble a pour titre Histoire contemporaine. Ce titre général a été choisi dès L’Orme du mail.
Allusion au mot incertain de la du Barry (Jeanne Bécu, 1743-1793), s’adressant à Louis XV.
Page 301 de l’édition Calmann-Lévy de 1899.
Il est bon, en ouvrant ce livre, de noter, comme l’éditeur prudent, que les chapitres de l’Histoire contemporaine qui précèdent ceux-ci s’appellent : l’Orme du Mail et le Mannequin d’osier[1]. Il faut noter aussi, pour n’y plus revenir, qu’Anatole France est coutumier de chef-d’œuvre. Seulement, qu’on imagine un lecteur grognon, ignorant les subtilités de la langue française, y compris celles du jargon des éditeurs, on serait quelque peu désorienté. Le livre s’ouvre sur le dénouement d’un adultère, ou mieux, sur son déménagement, et on ne connaît pas très bien les gens qui font, devant vous, la suite de leurs bêtises et même la fin de leur discours philosophique. Il y a, autour de l’absence d’intrigue, l’explication de la force d’Hercule, aussi quelques belles pages de conférence oubliées au fond d’un tiroir, et presque sans propos exhumées. Ce sont, malheureusement, les plus belles. Je dis malheureusement, me mettant dans la peau du lecteur grognon et ignorant toutes les subtilités de la langue des rhéteurs. Mais tout à coup nous apparaît l’hydre, rien de celle qu’Hercule terrassa, je veux nommer l’Affaire ! (juste ciel ! il y avait trop longtemps…). Alors, Anatole France, sachant par expérience que l’histoire contemporaine va vite : ainsi les morts, se dépêche de nous mettre sous les yeux autant de documents humains qu’il en faut, généralement, pour embêter ferme le lecteur le plus décidé à admirer un chef-d’œuvre. Je comprends parfaitement que l’histoire contemporaine ne saurait se passer, même passant par l’adultère, sans qu’il en soit question… cependant, il eût été d’un goût délicat de ne point former un livre destiné à être éternel (comme tous les chefs-d’œuvre) selon une opinion purement personnelle. Je dis purement à dessein ; je crois M. France (« Anatole… ton café… f… le camp !2 ») absolument convaincu de l’innocence de quelqu’un que je m’obstine à ne pas nommer, craignant d’évoquer des spectres ; mais tout estimable convaincu est rempli du plus sinistre parti pris, et pour trop prouver finit par vous donner sommeil. Par bonheur, il y a l’histoire d’un chien, celle de Riquet, dont tout, l’esprit est dans la houppe de sa queue venant frétiller d’aise quand il devine que l’Affaire s’éloigne…
Maintenant, que si les femmes me demandent où se rencontre l’anneau d’améthyste, je leur citerai ce passage3 :
— Vous connaissez Loyer, n’est-ce pas ?
Elle, toute claire, la chair limpide et fraîche, dans le grand fauteuil de velours sombre, boutonnait ses bottines. Les cheveux pleins de lumière, nue dans sa chemise froissée, elle inclinait sa tête et sa poitrine sur ses jambes croisées ; sous ce peu de linge qui glissait, en ce raccourci pittoresque, elle semblait une figure allégorique de quelque plafond vénitien. Philippe ne s’avisa pas de cette ressemblance. Il répéta sa question :
— Vous connaissez Loyer ?
Loyer, c’est le vieux ministre qui doit fournir la bague ! Ne vous y trompez pas, il ne s’agit nullement de pornographie, mais d’affaires contemporaines et on nommera le candidat de cette dame, évêque ! Une petite digression sur les dessous de foulard rose de cette jeune personne nous amène à ce détail, vieux jeu, mais très académicien, qu’une femme en pantalon possède plus de montant qu’une femme nue, ou même seulement en chemise. Ça, c’est amusant, parce que c’est de la perversité classique ! Par exemple, j’en veux à l’auteur pour nous avoir massacré le type admirable d’Esterhazy. Il en fait un sous-lieutenant entretenu avec des babas au kirsch et, vraiment, cette superbe figure de reître noir est plus intense que cela, surtout depuis qu’il est en train (l’histoire contemporaine va de plus en plus vite) d’éclairer prodigieusement la fuite… du café. Esterhazy me semblant capable, une fois lâché, d’en crever un moralement, ce qui est plus malin que de couper des gorges. La lettre du nouvel évêque déclarant ne pas vouloir payer est une noble terminaison à ce tome de notre histoire… de France, dont, n’en déplaise à l’auteur, les reîtres, les soudards, les du Barry et les détenteurs de droit canon furent les plus notables héros. Je sais bien qu’aujourd’hui il nous reste les innocences juives, mais pour le mal qu’elles font en ce beau royaume, j’ai la philosophie de leur préférer certaines culpabilités pittoresques. L’Anneau d’améthyste est un livre dangereux : ne pas le prêter aux jeunes filles !
Clio (Calmann-Lévy)
Mercure de janvier 1900, page 193
Ce livre dédié à Émile Zola réunit cinq textes : Le Chanteur de Kymé, Komm l’atrébate, Farinatadegli uberti ou la guerre civile, Le Roi boit et La Muiron.
Lien Gallica.
Alfons Mucha (1860-1939), artiste tchécoslovaque spécialiste de l’Art nouveau.
Un beau livre illustré par Mucha[1]. Très joli cadeau à ne pas faire à un enfant, bien entendu. Dictionnaire du beau langage et de la pureté des lignes.