Édouard Estaunié
L’Empreinte▼ — Le Ferment▼
L’Empreinte (Perrin et Cie)
Mercure de janvier 1896 page 134
Au collège des jésuites de Nevers on déforme peu à peu un jeune cœur enthousiaste selon les principes du meilleur monde religieux. On lui apprend que la seule collectivité est puissante en regard des multiples individualismes de la société moderne, et on lui donne l’ambition vraiment noble de devenir l’humble rayon d’une roue folle, formidable, la religion de Loyola, tournant, du reste formidablement à vide depuis longtemps. L’enfant se laisse prendre au mirage, croit qu’il est destiné à de grandes choses, finalement s’aperçoit qu’on ne lui demande pour preuves de ses belles aptitudes que de tout petits mensonges. Il se ressaisit et se sépare de ses louches professeurs. Mais il garde l’empreinte de sa première déformation. En vain, ses instincts luttent contre ses habitudes, il demeure sans force et sans direction pour les utiliser. Après avoir heurté successivement à toutes les portes de la vie parisienne, dont quelques-unes lui sont fermées par ses anciens maîtres, il revient bêtement s’agenouiller sur le seuil de ce collège maudit comme plus pressé de se réfugier contre l’action qu’encore réellement repris par sa vieille foi. Il ne croit plus, n’aime plus, n’espère plus, mais il veut avoir une fin logique, redevenir jésuite puisqu’il ne peut pas être autre chose. Écrit malheureusement dans la langue démodée des naturalistes, ce roman est une œuvre très consciencieuse, faite avec le soin méticuleux de quelqu’un qui frappe d’autant plus fort qu’il frappe sans passion.
Le Ferment (Perrin)
Mercure de juin 1899, page 763
Étude sociale d’un diplômé apte à tout, bon à rien, qui gagne sa vie et ses amours timidement jusqu’au jour fatal où il fait sauter la banque dans une maison de jeu. Alors tous les ferments corrupteurs se développent à la fois, et il devient le grand brasseur d’affaires (genre panamiste) qui tue l’innocent pour procurer la richesse à beaucoup de coupables de son genre. C’est le premier livre social qui ne conclue pas à la gloire de l’anarchie ou du socialisme. (Le socialisme n’étant que la pudeur de l’anarchie.) Bien écrit, du reste, et sobrement.