Louis Couperus
Majesté (Plon)
Mercure de décembre 1898 pages 748-749
Roman traduit du hollandais et extrêmement intéressant par le soin de sa méticuleuse documentation. Il s’agit de ces condamnés, de naissance, aux travaux forcés qui s’appellent les rois. Othomar, prince héritier du royaume de Liparie, fait bien tout ce qu’il peut afin de se soustraire à la fatale domination de son étoile rouge, mais la mort de son frère, un enfant volontaire, qu’il jugeait plus digne que lui du trône, le force à abdiquer… sa volonté d’homme pour devenir le mannequin qui essuie les regards du peuple. Othomar est un individu ni très remarquable ni très nul ; c’est dans le choix de ce caractère un peu effacé, un lettré malgré lui (de par son éducation voulue philosophique), un sentimental à cause de l’écart qu’il y a entre lui et toutes réalités, que se révèle le don de vérité du romancier. Il n’a pas désiré faire un martyr encore moins un bourreau. Othomar est une créature simple de ce monde et il aimerait les choses simples, mais il a dans le sang la goutte de liqueur dorée, une seule goutte d’essence divine, il le croit parce que tout son atavisme l’y porte et son même atavisme lui donne le vertige de la grandeur, sinon le bienheureux délire qui permet d’oublier sa chair. Il se marie et gouverne sa vie en celle des autres à contre cœur. Il est naturellement malheureux sans trop de phrases et il aimerait, tout amour lui étant interdit, son peuple de l’amour, divin en dépit des coups de couteau des illuminés de basses classes. Une des meilleures pages de ce livre est celle de la fin contenant une lettre de l’impératrice, sa jeune femme, qui se résigne bourgeoisement en l’amour de ses enfants, son seul peuple à elle femme quand même.