Henri de Bruchard

La Fausse gloire (Stock)

Mercure de décembre 1900, pages 797-798

Henri de Bruchard (1876-1915) a écrit deux textes dans le Mercure en 1898 : une rubrique « Cirques, Cabarets, Concerts » et des « Notes sur le don juanisme ». Il est mort, à Paris, d’une crise cardiaque.

Qui aurait cru que ce grand turbulent d’Henri de Bruchard écrirait un roman grave, philosophique, et, ma foi, à la manière Bourget, ceci soit dit à la louange du style de l’auteur. Enfin, désormais quand vous entendrez dans une réunion déjà bruyante quelqu’un crier très fort en affirmant des choses extraordinaires et même ponctuer ses affirmations de quelques gifles destinées à amener, sans douceur, autant de série de coups d’épées, murmurez-vous l’un à l’autre : « C’est Bruchard ? Un jeune homme austère, un type de futur ministre de l’intérieur, quoi ! » Bref, Henri de Bruchard, quoique très jeune et tapageur, d’allures, comme le sont généralement les fils de mon pays, toujours pleins de généreuses idées que le vent du premier automne parisien emporte, est, contrairement à ce qu’il témoigne en gestes, un très fin observateur de la vie politique, et s’il se mêle au tapage, c’est pour en retirer de saines méditations sur la vanité de ce monde ! Son héros, Fronsac, personnage sérieux, a l’envie de régner par la droiture de son âme et celle de son épée, mais il comprend vite, au milieu des luttes bassement électorales, qu’aujourd’hui si on veut arriver au peuple, il faut monter sur le char de la fortune et ce n’est pas toujours le peuple qui dételle pour vous traîner aux… gémonies. Les coulisses de la Chambre ou celles d’une brave salle de conférence provinciale sont semblables, on y rencontre mêmes ambitions et pareilles calomnies. Le petit chèque se promène de mains en mains laissant, sa trace visqueuse. La fausse Gloire est par excellence la gloire politique et en termes plus que galants ces choses-là sont dites à Mme Ferrès qui ne comprend que plus tard, à l’heure où la femme arrive comme consolation et palme de suprême victoire. Ce livre a un grand mérite : il est distingué. On dirait que la race qui ne perd jamais ses droits, même chez un bruyant batailleur, fait rentrer Henri de Bruchard dans un salon (la littérature ne doit être qu’un salon) au sortir de la plus mauvaise compagnie politique, et je n’en veux pour preuve que la pensée touchante de la dédicace : à Jean de Tinan… malgré la mort.