Maurice Beaubourg
Bois de Boulogne▼ — Saint-Mandé▼▼ — La Rue amoureuse▼▼▼
La Saison au Bois de Boulogne (Simonis Empis)
Mercure de juillet 1896 page 161
Conciliabule à la fois voyoucrate et mondain de tout ce que le bois de Boulogne de l’existence renferme de crapules, sous couleur du roman par lettres. Avec une pure douceur d’ange, le pince-sans-rire de l’idéal qu’est Beaubourg vous montre le Gosse-Girond et la Môme-Taciturne, suivis de leurs plus intimes amis, évoluant sous des arbres qui me font l’effet d’être furieusement de la liberté ! Tous ces gens-là sont des escarpes forts bien élevés : comme la plupart des gens du meilleur monde, ils ont des sentiments plus propres que leurs habitudes, et, parfois, une petite larme à l’œil, d’un « orient » assez intense pour paraître une perle. De ces nouvelles ironiques, Les Doux sont à faire frémir. Là, se retrouve toute une artillerie de sucreries empoisonnées dont Beaubourg nous accable avec son ordinaire gracieuse correction de jeune clergyman qui s’amuse. C’est en lisant ces pages, spirituelles, poignantes, et joyeuses d’une petite joie macabre qui est comme le frisson de la petite mort, que l’on se sent rejeté bien en arrière, jusqu’à la férocité de fauves en prison mordant leurs barreaux, des fauves célébrés de l’Image, et on se demande si Beaubourg, le si charmant clergyman qui s’amuse, ne finira par nous pas assassiner, toujours pour s’amuser et voir ce qu’il y a dans le bonhomme.
Les Joueurs de boules de Saint-Mandé (Simonis Empis)
Mercure de décembre 1899, pages 762-763
L’auteur de ce singulier roman sentimental est atteint d’une sensibilité très fine, trop fine absolument, comme on serait atteint d’une maladie des yeux. Il voit des larmes dans le rire et il met du sourire dans les pleurs, de sorte qu’on ne sait jamais bien s’il se moque de vous ou s’il s’attendrit réellement. Cependant son humour devient tout à fait terrible quand il écrit la lettre si remarquable de la pauvre Euphrasye Durand au colonel Piot. Voilà un chef-d’œuvre, cette lettre, où éclate si divinement l’amour dans un tel vieux cœur de femme !… Qu’il veuille ou non se moquer de nous et de ses héros, nous y allons de notre enthousiasme, car rien n’est plus difficile que de transformer une vieille fille un peu folle en réelle amante et lui faire signer « Ton bébé… mon colonel… ton bébé qui t’adore. », alors qu’elle a 56 ans et qu’elle meurt d’un rhumatisme remonté. Ma foi, je ne sais pas comment Beaubourg s’y prend pour être génial dans cette lettre… mais allez y voir, ça vaut la peine, car c’est un tour de force peu commun au royaume des lettres !…
La Rue amoureuse (Mercure)
Mercure de juillet 1900, pages 211-212
Cette rue chaude pourrait bien être celle où doivent passer tous les civilisés qui, malgré les lois, les usages et les préjugés, en reviennent, aux bonnes petites heures bestiales, d’autant plus marquantes en la vie sociale ou humaine qu’elles sont plus… obscures. Passage éternel de la tenue à l’incorrection, chemin de l’oubli de toutes les contraintes… par corps. Maurice Beaubourg possède au plus haut degré le don de l’ironie, mais il soutient la note comme il veut et autant veut, ce qui est rare. Il ne se contente pas d’une satire à effet, du morceau, il ose toute l’œuvre dans le même ton, ce qui est, généralement, très difficile, pour ne pas dire impossible. Avec un tact délicat il sait vous faire songer à ce qu’il n’a pas dit, et sous sa feinte naïveté d’enfant sage qui répète une leçon, il vous apprend des choses que les parents ne connaissent même pas. Maurice Beaubourg serait un auteur moral, une espèce de petit Labruyère de ce siècle, s’il possédait la pureté d’intention, mais, soyez tranquille, Mesdames et Messieurs, il descend, lui aussi, dans la rue Amoureuse pour y montrer, du doigt, les membres de toute la confrérie des hypocrites, et comme théâtre, genre Karagueuz, ça ne laisse rien à désirer. À signaler, parmi tous les portraits d’originaux d’Avillard-Avillon, ce charmant médaillon du petit rustre qui se jette à l’eau après avoir perdu son maître pour avoir voulu le sauver, exquise petite silhouette fragile passant dans une rue cynique et sinistre comme passerait une branche de clématite au-dessus d’un mur tout taché d’ordures.
Lien Gallica
Ce roman est dédié à Léopold Lacour.