Marcel Batilliat
Chair Mystique (Mercure de France)
Mercure d’avril 1897 pages 143-144
Malades de l’amour, malades de la vie, et outranciers presque condamnés, les deux jeunes patients du martyre de Chair Mystique de Marcel Batilliat s’enlacent pour mourir mieux en s’aimant davantage. Il ne faut pas les blâmer de choisir parmi tous les absolus, celui qui dure le plus longtemps (au moins nous l’espérons !). Le livre a, pour épigraphe, une phrase musicale de Tristan et Yseult, on y sent courir, entre toutes les pages, ce même frisson musical de tendresses expirant sans trop de peine, peut-être une volonté de volupté prolongée… la mort au milieu de l’amour serait-elle autre chose ? Le portrait de la frêle héroïne est gracieux, assez réel pour intéresser. Marie-Alice est une femme, point une de ses filles-fleurs descendues des vitraux des boudoirs mondains, elle agit, vibre, aime et se donne comme un être bien tangible. Le jeune homme amoureux possède bien tout le luxe de raisonnements égoïstes dont s’arment ces sortes de bourreaux inconscients. Du reste il est châtié, comme il sied, par l’immense bonheur qu’il doit ressentir à se voir, à son tour, condamner irrévocablement. De jolies, de très jolies descriptions de nature, surtout une du décor d’une nuit… d’imprudences passées en pleine forêt d’automne. Voilà un roman, Chair Mystique, bien venu des femmes, ces âmes tendres qui ne détestent pas assister aux malheurs, imaginairement, causés par leurs cruautés, ou leurs faiblesses ! Le pire c’est que, conté comme le conte Marcel Batilliat, il leur procurera l’illusion d’avoir été vécu et l’auteur va leur donner envie de mourir avec grâce !