Alphonse Allais
On n’est pas des bœufs (Ollendorff)
Mercure de juin 1896 page 439
Qui se douterait que le plus terrible anarchiste de France et même d’Europe c’est encore… Alphonse Allais ? En riant, en fumant, en aimant, en blaguant (que voulez-vous, on n’est pas des bœufs !), Allais introduit tout doucement sa petite bombe intellectuelle dans le tympan de ses auditeurs, qui trouvent seulement que ça les chatouille et aussi que ça les amuse, les pauvres diables, et un beau matin, après un demi-siècle de rigolade, ils éclateront ; leur cerveau concevra tout à coup la véritable pensée du chatouilleur, et ils sauront pourquoi l’absurde Allais, le noble Allais écrivit Curieuse industrie physiologique, où l’on voit une petite princesse, désireuse de marcher pieds nus « comme les pauvres enfants », faire enlever la peau des pieds des petits nécessiteux pour s’en faire des sandales et marcher, elle aussi, pieds nus, sur les plantes d’un mendiant. La description de l’hôpital fondé pour le tannage des plantes de jeunes gosses peu fortunés est une merveille et m’a rappelé une autre fondation, bien réelle celle-là : hospice pour enfants riches, qui me fit rêver… un jour que j’avais le temps. Je vous le dis, en vérité, Alphonse Allais est le premier et le dernier anarchiste de France.
Le Bec en l’air (Ollendorff)
Mercure de septembre 1897 pages 523-524
Petits contes bleus d’une méchanceté noire, au fond, car Allais ne se gêne plus du tout pour prendre la bêtise du bourgeois sur le vif. C’est tout juste s’il se donne la peine de nous avertir qu’en s’accoudant sur sa table, très hospitalière, où l’on déguste ses apéritifs pimentés d’ironie anglaise, on doit faire attention à la peinture… et on en remporte, le long de ses manches, de furieuses couches !