Remy Saint-Maurice

Temple d’Amour (Alphonse Lemerre)

Mercure de décembre 1897 page 889

On peut noter que le Mercure ne parte pas d’accent à Remy mais que la publication de la Revue des deux mondes de juillet 1897 en porte un.

Temple d’Amour m’a produit l’effet d’un volume de Bourget, moins le procédé de Bourget, et de notations intimes à la Hervieu, moins le fond Hervieu. On est certainement dans le monde, comme chez Bourget, puisque les domestiques apportent des lettres sur des plateaux de laque vermillon et que règne l’amour des objets précieux jusqu’à en impatienter le lecteur ; on est aussi dans les âmes des mondains d’Hervieu, puisqu’ils nous confessent leurs impressions d’art sur l’adultère. Mais c’est sec et froid. Cela sent le rapport de procureur. Ça ne touche à aucune humanité par des contacts directs. Le premier chapitre est un exposé maladroitement voulu de tous les documents généalogiques relatifs à la famille dont il sera question plus tard. Le roman ne débute qu’au second chapitre et commence mieux ; par coquetterie, sans doute. Une mère, une créole, possède un fils et un amant. L’amant devient jaloux du fils qu’il aime, d’ailleurs, malgré lui. Il y a un mari, effacé, puis un oncle, jadis torturé par les Cafres dont la claudication tragique et la main absente compliquent la situation jusqu’au crime. Il noie la femme adultère et se noie avec elle au moment où rien ne peut plus se dénouer que par l’intervention de sa propre jalousie poussée jusqu’à l’héroïsme. Remy Saint-Maurice détaille les nobles dégoûts de M. de Clessé avec une grande minutie. Toujours sec et froid comme un procureur, il n’oublie rien de tous les arguments, très indiqués, dont se fabriquent les consciences de mondains et de mondaines selon le roman. Clessé est un Monsieur correct en dessous comme dessus. Je crois qu’un homme peut avoir nettement la conscience de ses passions, mais qu’il n’a jamais la passion de la conscience à ce point-là. La créole est jolie, bien mère, bien femme, plus nature que les autres et elle est coupable sans tant de verroterie de conscience, elle. C’est un fruit des îles savoureux et musqué qui fait heureusement passer le goût, un peu fade, un peu pommes peintes, des autres. — Le talent de Remy Saint-Maurice est un des plus difficiles à admettre parce qu’il ennuie à première vue, mais c’est un talent que de savoir ennuyer à propos, et j’ajoute que c’est un art bien mondain et qu’il est utile de le posséder puisque, paraît-il, y a des gens du monde… qui savent lire.