André Ruijters (puis Ruyters)

Les Oiseaux dans la cage (Paul Lacomblez, à Bruxelles)

Mercure de septembre 1896 page 543

Les Oiseaux dans la Cage se débattent horriblement à un mince propos : la question de la possession en amour. Sans aucun doute, M. André Ruijters, et en dépit des véhémences de vos demi-caresses de phrases, la possession est inutile, mais si elle indiffère en tant que lien moral, le vice est encore plus inutile pour établir ce contact des âmes que cherche votre héros par une très dangereuse voie. L’héroïne n’est pas meurtrie par ce duel sans résultat : elle va se relever de son orage de larmes, avec un profond mépris pour un homme qu’elle eût adoré peut-être s’il n’avait même pas daigné l’effleurer de ses lèvres. Tout ou rien, vous savez, en amour ; je ne crois pas qu’on puisse être autre chose que ridicule dans les demi-mesures. Je pense, du reste, que ce débat des oiseaux dans cette cage n’était que vain prétexte à de fort jolis paysages poétiquement décrits et que je préfère de beaucoup aux fins de la… discussion.

À Eux deux (Paul Lacomblez, à Bruxelles)

Mercure de février 1897 page 389

À Eux deux, d’André Ruijters (la chère Belgique n’a pas fini de nous donner nos leçons !), est l’histoire de ceux qui sont tranquilles dans la cage, ayant terminé quelque fort ancienne querelle. Ils jouent du piano, regardent les jolis yeux du ciel, font peu de projets et se livrent au travail des fines écritures sensuelles. Pas de torture autre que celle des cheveux longs de l’aimée qui, souvent, s’emmêlent pour avoir été trop couverts de caresses ! L’onde du ruisseau ou de l’océan, la couleur des ameublements ou des nuages, le son des voix, le goût des fleurs qu’on mâche, rien n’est amer, mais tout est profondément ressenti et rendu. C’est vraiment extraordinaire comme les Belges savent écrire en français. Plus je lis des auteurs français et plus j’ai la conviction, cependant, qu’ils écrivent en belge. Est-ce nous qui essayons d’imiter leur sérénité depuis l’avènement du génie Maeterlinck ?

Les Mains gantées et les pieds nus (Paul Lacomblez, à Bruxelles)

Mercure de juin 1898, page 831

Jolies, très jolies fantaisies, moitié contes et moitié poèmes. Un jargon curieux mi-belge moderne, mi-français ancien, une recherche constante des mots les moins usés. De la passion, fort persuasive et qui déroute dans tant de fadeurs voulues. La dame nue dans du cristal, image de l’inanité de toutes les possessions charnelles, est une très estimable page.

Sylvain Bonmariage (1887-1966), actuellement âgé de onze ans, publiera en 1931 chez les Travailleurs du livre, Mains gantées, pieds nus.

Les Jardins d’Armide (Ollendorff)

Mercure de janvier 1899 page 168

Une allégorie qui dure 315 pages, c’est peut-être long. Écrit en une jolie langue très maniérée, ce conte à la mode du dix-huitième siècle fatigue par l’abondance des images gracieuses ; mais on se reprend à vivre avec de bons petits hurlements amoureux et quelques fringales de chair se développant sous les frais ombrages de ses jardins enchanteurs. Maintenant qu’est-ce que l’auteur entend par des pierres lubriques ? Il y a, au courant des ruisseaux cajoleurs et de la plume, d’étranges expressions qui font songer. « Les bons écrivains ont les pires audaces », disait dernièrement un des princes de la critique moderne. Je me permets d’être de son avis… pour une fois, sais-tu, Monsieur !

Avec ces Jardins d’Armide, débute une trilogie qui sera complétée par Les Escales galantes et Les Dames au jardin. Ces deux autres romans seront chroniqués par Rachilde dans les numéros de février et novembre 1900.

Les Escales galantes (Librairie internationale)

Mercure de février 1900, page 459

Des polissonneries tout à fait effrayantes écrites dans le style de Fénelon. Cela forme le contraste le plus bizarre qui soit. Entre nous, M. Ruijters a beaucoup de talent, mais à propos d’escales, Escal-Vigor[1] n’est pas plus poursuivable par la pudeur belge, et peut-être le serait-il moins, que ces Escales galantes. N’en déplaise au style de Fénelon, la scène où l’on représente la danse des petits garçons est absolument… pétrifiante ! Ils vont bien les voyageurs qui instruisent la jeunesse. Enfin, c’est écrit selon les rites classiques et il n’y a rien à défendre aux bons artistes… pas même les images violentes.

  1. Escal-Vigor, roman de Georges Eekhoud chroniqué par Rachilde dans le Mercure de juillet 1896.

Paysages (Paul Lacomblez à Bruxelles)

Mercure de mars 1900, page 773

Promenades en Grèce et Turquie. Jolies et suaves descriptions d’un sentiment très purement classique. Nul ne découpe mieux que l’auteur, en quelques phrases bellement froides, une ruine de marbre sur un fond de ciel tendre, teinté d’une aurore amoureuse.

Il semble que ce soit le premier roman pour lequel André Ruijters ait signé André Ruyters.