Charles de Ricault d’Héricault

Fani Roseval (Perrin)

Mercure d’août 1900, page 487

Charles de Ricault (1823-1899), mort en novembre dernier, a écrit plusieurs romans catholiques comme Les Grands saints de France et leurs amis (Bloud et Barral, (1900). Le roman chroniqué ici est paru une première fois en 1886 sous le titre : Confessions, souvenirs et bavarderies de Fani Roseval, actrice des Variétés amusantes, en l’an III sans que l’on soit sûr qu’il s’agisse du même texte.

Ceci est un livre exquis, d’une grande audace et, sans qu’on s’en aperçoive trop, la terrible satire d’un temps où l’on prenait les convulsions hystériques du peuple français pour de la bravoure. Fani Roseval est une fille un peu mystérieuse, reine de théâtre et enfant de la nature, éprise de dévouement tout autant que dé liberté, mais qui possède le vrai sens de cette liberté, c’est-à-dire l’art de régner sur les inférieurs. Elle assiste à l’agonie du roi, de la reine, et de toute une élite du milieu de la foule qui pue le vin et le sang, et elle ose préférer en un langage original et très précieux pour les trouvailles de mots, ces têtes qui tombent avec des saluts courtois aux fronts nouveaux d’énergumènes malpropres qui se lèvent pour des apothéoses de banlieues. À travers les images vives, les aventures galantes quoique honnêtes et les petits tableaux de mœurs enlevés à la pointe d’une ironie des plus violentes, toujours très femme, on sent courir les petits pieds fins d’une danseuse qui ne peut oublier qu’en France on danse toujours sur les volcans. C’est joli, furieux et retroussé. Par-dessus tout, c’est inattendu. La Révolution française jugée par cette bohème du grand monde s’aperçoit sous un jour aussi nouveau que… peu favorable à la beauté des immortels principes… et pour ce que j’aime les immortels principes, je vous recommande la bonne grâce de cette folle Fani.