Gabriel Randon (Jean Rictus)
Les Soliloques du Pauvre
Mercure de décembre 1895 pages 409/410
Très long, très doux, la voix pleine d’une exquise mansuétude, comme le prétend M. Jules Lemaître, l’ange Gabriel Randon annonce… des vers aux Quat’z’Arts … La nouvelle est terrifiante, car elle est une sommaire notification de l’état d’âme actuel de la société vis-à-vis des poètes. Sans l’estrade de la brasserie, sans l’histrionisme, elle n’écouterait pas. Jusqu’à présent, Gabriel Randon avait paresseusement fait de très belles choses, et, activement, cherché sa place au soleil. Puis, un peu las du dilettantisme de certains amis, le voici qui rêve de devenir le poète qui vit de ses vers. (Il y en a bien d’autres et qui ont moins de talent !) Naturellement, il est obligé de passer par n’importe quelles Fourches Caudines de la publicité. Comme Bruant, il engueulera le monde, puisque ça réussit, et le monde applaudira parce qu’il aime à être engueulé après boire ; ce lui est un puissant digestif. Randon se moquera des Séverine qui tendent l’aumônière… et la partagent probablement des crocodiles de tous les sexes versant le pleur traditionnel, sans d’ailleurs s’apercevoir que s’il a du succès en ce genre il fera peut-être le même métier. Ses Soliloques du Pauvre sont très bien, mais nous regrettons toujours le temps où leur auteur songeait à achever la Dame de Proue.
Ce recueil de poèmes a d’abord été publié à compte d’auteur dans une édition « Au cabaret des Quat’-z-arts » en 1895 avant de paraître au Mercure de France en 1897.