Alfred Poizat

Avila des Saints (Lemerre)

Mercure de mars 1897

Quatre savoureuses nouvelles d’Alfred Poizat[1]. — La nouvelle est chose difficile à réussir depuis que les journalistes, en mal de littérature, ont pris la triste habitude de nous servir leurs vieux articles bâclés aux chandelles des rédactions et sentant terriblement l’absinthe de la brasserie du coin. Flaubert, jadis, passait une année à faire et parfaire une seule nouvelle. Aujourd’hui, on prend des accidents de voiture pour des sujets !… Et il en résulte des nausées de la part de tous les lecteurs. On ne lit pas les nouvelles et on ne les éditera bientôt plus ! Cas grave, pour les journalistes. — Voici donc des nouvelles nouvelles : c’est-à-dire remarquablement écrites, finies, burinées, spécialement pensées dans un but spécial. Le livre qui les contient est dédié à un chanoine et il semble qu’un peu d’encens les parfume. À les lire, on n’a pas moins de joie qu’à découvrir, en un ancien reliquaire aux délicates ferronneries, de fines figures de saintes évanouissant leurs derniers tons d’or et d’ivoire dans la dureté des fleurs de métal. Sainte Thérèse, des fiancées que Dieu enlève à leurs fiancés, une sœur, mystiquement éprise de l’âme de toute sa famille incarnée dans son frère lointain, un prêtre, et aussi, simplement, un mondain faisant, par hasard, la route de la Grande Chartreuse, sont les tranquilles héros de ces légendes, les philosophes de ces âpres passages de l’acte inutile aux rêves rédempteurs. Le long du cours paisible de ce style, hautement religieux et pur comme un fleuve indifférent coulant sur des trésors ensevelis, on sent le respect vous pénétrer pour la sage puissance de l’écrivain toujours maître de sa pensée dont il ne laisse entrevoir que les reflets utiles nous donnant l’envie d’aller plus avant, sous l’onde miraculeusement transparente « … Il était bon que l’art affirmât la vitalité catholique », écrit l’auteur. Cela me vexe… mais j’avoue… que l’auteur (mahométan fût-il) affirme, surtout, son talent, dans ce livre.

  1. Avila des Saints, La Sœur, Le Village, La Route de la Grande Chartreuse.