Charles Merki
Margot d’été (Mercure)
Mercure de de juillet 1900, page 211
Ce roman est paru en feuilleton dans les numéros du Mercure d’octobre 1893 à avril 1894.
Ce joli roman, fruit de saison, est comme l’envol d’une claire jupe au milieu des bois, le retroussis léger d’un volant de dentelles sur les galets du ruisseau ou de la plage, et on se demande comment le camarade Merki, dont la main fut brutale quelquefois, a pu si lestement et si gracieusement chiffonner des étoffes. Mais il y a mieux dans ce joli roman, bouquet de surprises douces et airgrelettes, recueil de fines ironies se tressant autour de l’adultère, ce seul mariage bien français, comme une guirlande serpentine, il y a un poème ! Parmi les meilleures chansons et les plus exquises ballades que je connaisse, celles de Paul Fort, par exemple, on pourrait citer ce seul petit bijou qui se trouve serti en la page 153 de Margot d’été. « Le rythme, bien plus que le choix des mots et de l’idée, fait le succès de la poésie », prétend modestement l’auteur «… et conduit à une douce somnolence… », ajoute-t-il plus loin. Admettons, pour ne pas le compromettre, que ce soit effet de pur hasard, mais jamais poète ne trouvera meilleure chanson à chanter près du cœur et des sens. Pourquoi? Il y a là le mystère qui préside au chef-d’œuvre, simplement. On peut lire cela et le relire. Après je conterai l’histoire, c’est-à-dire après vous lirez le roman, cadre très digne de ce petit tableau à la fois tendre et sensuellement mélancolique. Le voyage à Granville, l’attente de la Margot qui ne vient pas, peu à peu remplacée par l’autre qui vient trop, le type de Trousselou, la résignation pour ainsi dire, minéralogique de l’amant qui trompe et qui a trompé sont autant de très charmantes choses. Je souhaite à Merki de découvrir, et de nous découvrir, beaucoup de Margot, semblables et je ne crois point me faire illusion en lui prédisant un très réel succès de librairie, après le succès littéraire, toujours si décevant.