Dick May
L’Alouette (Édition de la Revue blanche)
Mercure de septembre 1898, pages 812-813
Dick May est le pseudonyme de Jeanne Weill (1859-1925), fondatrice de la première école de journalisme.
J’imagine que ceci a été écrit par une tendre jeune fille qui croit encore qu’on lance un livre, qu’on rencontre un mari sur le trottoir, que les cénacles de jeunes existent, que l’on peut vivre avec une tasse de chocolat et que les étudiantes sont des femmes honnêtes, ce qui n’est jamais vrai dans le sens exact du mot, car une femme honnête n’étudie jamais rien. L’Alouette, c’est le titre d’une revue, rive gauche, la revue de Jeunes qui est la trompette de la renaissance latine, et cette belle jeune fille tendre s’en va jeter en cette gueule de cuivre son premier roman. Je n’ai pas besoin de vous dire qu’on la reçoit à fauteuils ouverts et que l’on lance et son nom et son livre. Le malheur, pour la psychologie de cette œuvre, c’est qu’il n’y a jamais que l’auteur qui s’aperçoit d’un lançage. Les autres… y compris les directeurs de revues jeunes ou vieilles, n’entendent pas parler de cet avènement et passent à un autre crime. Inutilement du reste. L’héroïne épouse un bon garçon et lui fait le sacrifice de sa naissante gloire. Tout finit bien mal pour le féminisme, puisque ça finit dans les bras d’un homme, c’est-à-dire légitimement !