André Lebey

Les Premières Luttes (Fasquelle)

Mercure d’avril 1897 page 144

Oh ! les jeunes ! Comme ils arrivent tous à la fois et vaillants, au bon combat littéraire ! Encore un premier roman, d’André Lebey, qui faisait jouer une première pièce durant ses dernières années de collège et… dut quitter le dit collège pour cet exploit qu’il aimera tant à nous narrer… quand il sera promu académicien !… Les Premières Luttes. Un titre appétissant. Un gros bouquin[1] qui a l’énormité et le charmant touffu d’une forêt vierge. Tous les arbres, tous les arbustes, toutes les plantes fleuries, et, aussi, tous les monstres fauves que l’on rencontre, ou croit rencontrer au tournant des sombres carrefours ! Il est très bien, ce gros bouquin là, il est à la fois naïf et cruel comme l’est cet âge sans pitié… de l’enfant de lettres ! Il est très curieux parce qu’il note sans prétention et sans l’idée précise du style. L’éveil de l’homme dans le bébé trop choyé par des parents mondains et, souvent, barbares, le sentiment du sens avant les sens, toutes les brumes légères qui font un bandeau de rêve à cette tète de jeune poète, une aurore quand même, tout est sincèrement exprimé, quelquefois balbutié, avec une grâce irrévérencieuse amusante. La scène de violence, au dîner de famille, où le jeune lutteur se rebiffe et leur jette des vérités en terminant par cette exclamation — « … d’ailleurs je regrette la langouste ! » — indique une poigne et donne confiance en les luttes prochaines. Des détails un peu… vifs, tout de même, mais, la sincérité avant tout et puis… plaire aux femmes, n’est-ce pas, Lebey !…

  1. 372 pages.

André Lebey (1877-1938), écrivain aussi méconnu que prolifique (un livre par an dont quelques biographies entre 1895 et 1937). André Lebey a été député socialiste se Seine-et-Oise pendant la première guerre mondiale en même temps qu’il était au combat dans des grades subalternes. André Lebey a fait partie des créateurs du très éphémère Centaure.

Il s’agit d’une des premières publications d’Eugène Fasquelle — et du premier roman des éditions Fasquelle critiqué par Rachilde. Eugène Fasquelle (1863-1952) est entré en 1886 comme secrétaire dans la « Bibliothèque Charpentier » puis son associé par mariage en 1890 avant que Georges Charpentier (1846-1905) se retire en 1896.