Edmond Jaloux

L’Agonie de l’amour (Mercure)

Mercure de janvier 1900, pages 191-192

C’est une gageure ? Cette année qui part aura vu, à ma seule connaissance, éclore 65 volumes portant le titre : Amour ! Mais après celui-ci, comme c’est l’agonie, nous n’allons plus en voir, les lauriers seront coupés… par M. Edmond Jaloux. Son roman est l’histoire d’un jeune homme de lettres : Luc d’Hemany qui, naturellement, s’analyse beaucoup trop, comme tous les hommes de lettres jeunes ou vieux, pour pouvoir aimer simplement. Mais de ce qu’il aime avec complication, il aime et il ne faut pas demander à un arbre de Judée de porter des pommes en lieu de-fleurs noires et roses. Un joli type de jeune fille passionnée et bien élevée fait la conquête de ce jeune homme et il l’aime… Qu’il ne regrette pas, ce beau ténébreux de Luc d’Hermany, d’aimer avec toutes les difficultés de la littérature, cela lui double certainement ses jouissances si toute forte émotion est toujours passagère… Quand sa fiancée meurt de la phtisie galopante, Luc se croit perdu… et il se retrouve en une autre passante d’amour à qui va son désir ressuscité. Un homme n’aime jamais uniquement. Et si une femme ne peut réellement se donner entièrement qu’une fois, un homme… redisons-le sans cesse, ce n’est pas la même chose… d’où l’impossible égalité des sexes ! Ce roman d’amour est joli, très bien écrit, en une langue pimentée de réflexions sceptiques. Mais je le crois très sincère, parce qu’il est extrêmement chaste dans ses descriptions voluptueuses… et d’autant plus voluptueux. N’en déplaise aux femmes de lettres, les seuls hommes savent parler vraiment d’amour… et quand ils se doublent d’un cœur un peu féminin, c’est-à-dire d’un cœur d’artiste, combien ils sont plus intéressants pour les lectrices féminines !