Georges d’Esparbès

Le Roi (Flammarion)

Mercure de novembre 1900, pages 490-491

  1. Il s’agirait d’un « chant national limousin » noté au milieu du XVIe siècle.

Dans une préface d’homme du nord très imperturbable, Maurice Barrès nous explique ce que d’Esparbès, cet homme du midi, a voulu nous montrer en la personne extravagante et glorieuse de son roi. Maurice Barrès m’a l’air de regarder Henri IV comme une vieille coquette regarderait sa psyché. Non ! le « groupe local », une « société naturelle », la « centralisation », le « nationalisme » n’ont rien à démêler, je vous jure, avec cette noble histoire de fou, cette héroïque gasconnade. Ne cherchez point, ô hommes du nord, contemplatifs ou spéculatifs, à savoir pourquoi les rossignols de Provence ont la voix plus éclatante que les autres ! Ces bêtes-là chantent, d’ailleurs, sans savoir pour qui ni pourquoi et c’est leur principal charme. Or Georges d’Esparbès a le génie de l’absurde poussé au point où le poussait souvent Victor Hugo et c’est tout simplement admirable. La naissance d’Henri pondu par sa mère en chantant est une des belles pages de prose contemporaine et les figures des tisseuses la plus mélancolique et la plus charmante des fictions. Les images abondent neuves et brillantes, les récits de batailles, particulièrement l’épisode de la cornette blanche suivant l’étendard fabriqué avec la chemise de Mme de Gramont, sont de pures merveilles. À lire ce beau roman de chevalerie, je ne suis peut-être pas devenue plus nationaliste, mais ça m’a donné envie de chanter :

Baisso té, mountagno,
Lévo té, valloun…
[1]

Et j’affirme au méthodique Barrès que c’était sans raison aucune. Simplement parce que je sentais le baiser du soleil sur ma nuque. Nous autres, gascons, nous sommes tous ainsi… Quant à « la vie locale », et « l’incapacité des villes de provinces à coopérer spontanément »… Des flûtes !