Georges Docquois
La Demande, un acte en prose
Mercure de décembre 1895 pages 408/409
De La Demande, nouvelle de Iules Renard, parue dans le premier numéro du Mercure (quel honneur pour le Mercure et… pour Jules Renard !), l’auteur et M. Docquois ont tiré un intéressant petit acte que l’Odéon vient de jouer. Contrairement à ce qui arrive toujours en pareil cas, le collaborateur s’est efforcé de garder à l’œuvre toute sa saveur originale, de lui laisser sa littérature et de mettre heureusement en valeur les mots si profondément drôles de son humoristique confrère. Mal interprétée par des acteurs soucieux seulement de charger les choses fines, la piécette a cependant réussi devant le grand public, car La Demande n’est ni du naturalisme, ni de ce qu’il est d’usage (combien désuet) d’appeler du Théâtre Libre. C’est simplement la paysannerie la plus proche de la vie réelle qui ait été présentée, jusqu’à présent, au faux jour de la rampe. Deux sœurs sont à marier, leurs dots sont égales. M. Répin, leur père, désire, naturellement, que l’ainée y passe la première ; mais M. Gaillardon, en en demandant une, n’importe laquelle, ne veut pas du tout de l’autre, l’ainée, qui est laide et « trop oie », ainsi qu’elle le déclare elle-même. On dîne dans l’indécision, mais on s’explique au dessert, où tout s’arrange : la cadette épousera, et on tâchera de caser l’autre un peu plus tard. Gaillardon s’en charge. On lui tapote sur les joues pour la consoler. Rien de poignant comme la photographie de cette grande fille laide, demeurée pour compte et piétinée avec indifférence par la Vie, la douce et cruelle Vie. C’est odieusement triste, de la tristesse morne d’un jour de pluie persistante pendant lequel on échangerait des jovialités autour d’un feu éteint.