Michel Corday
Des histoires (Simonis Empis)
Mercure d’avril 1900, page 201
Très finement contées, ces histoires ne sont pas toujours très… convenables. J’entends pas convenables en ce sens qu’elles ne s’occupent point du convenu. Il y a dans la vie une morale et dans la littérature une autre morale… encore plus fantaisiste. On doit aller aussi loin que… le permet la composition de l’œuvre, mais pas plus loin, et quand on est parti pour dire une chose il ne faut point en déclarer deux. C’est ainsi qu’en composant bien un livre ou une nouvelle on tombe dans l’absurde très souvent parce que la composition d’un livre ou d’une nouvelle n’a généralement rien avoir avec la logique de la vie… qui n’est pas composée. D’où la nécessité de faire de l’art et d’être souvent absurde ; sinon d’écrire n’importe quoi et de demeurer plus proche de l’existence que l’artiste sincère. Ces réflexions me viennent après la lecture de l’Alliance, une des nouvelles de M. Michel Corday, non pas qu’il écrit comme n’importe qui, tant s’en faut, car il écrit bien. L’Alliance est le produit d’un alliage du don artistique avec l’absurde humain. Un bon père de famille est pris d’un désir de noce. Il vient à Paris trouver une fille et tout va se passer normalement… mais la fille ramasse l’alliance tombée du doigt de ce miché sérieux et alors… indignation du Monsieur, rappel des joies de la famille, etc.., etc… Donc, selon le convenu social accord, par hasard, avec le convenu littéraire? Non, pas du tout !… Lisez la fin de la nouvelle. M. Michel Corday est allé plus loin… il a touché au centre obscur de l’humanité, et c’est vraiment fort beau.