Arthur Chassériau
Corps et Âme (Ollendorff)
Mercure de juin 1896 page 441
En littérature, comme dans la vie, je crois qu’il ne convient pas de dire du mal d’une dame sans arriver au moins à prouver les choses ignominieuses que l’on avance. M. Chassériau nous montre ici une jeune femme sortie de la bohème pour épouser un aristocrate rempli de beaux sentiments, laquelle jeune femme doit fatalement tromper son mari… et c’est lui qui la trompe avec aussi peu de tact que de circonstances vraiment atténuantes. Il y a un bateau (il n’est pas tout seul) qui s’appelle l’Alcyon, un orage décisif où la tempête n’est que la faible image de la vie des deux époux, puis une fuite avec la bien-aimée à travers l’océan. Certes, le style de ces discours, point très neufs, est soigné, cruellement dithyrambique ; cependant, je ne vois pas bien ce que l’auteur a voulu prouver. Le corps (Sarah, la femme légitime) est, malgré les efforts traîtres de l’aristocrate mari, joints à ceux de l’écrivain, plus intéressant que l’âme de la blonde Lilias, et, vers la fin, j’ai vu sombrer l’Alcyon, retour de Cythère, non sans un sincère plaisir.